Records de feux en Amazonie : pourquoi ça brûle ?

Records de feux en Amazonie : pourquoi ça brûle ?

Avec 18 % de feux de forêts en plus par rapport au mois d’août 2021, l’Amazonie brésilienne atteint à nouveau de tristes records. Alors que le monde s’approche toujours plus d’un point de non-retour dramatique, le Parlement européen a voté le 13 septembre la nouvelle loi pour lutter contre la déforestation importée – une occasion unique de prendre, espérons-le, enfin la bonne direction…

En août dernier, le nombre de feux de forêt en Amazonie brésilienne a atteint une augmentation de 18 % par rapport à l’an dernier. Il s’agit du mois d’août le plus dévastateur depuis 12 ans, avec plus de 3 300 feux actifs par jour. Nous avons même dépassé les chiffres de 2019 qui, déjà dramatiques, avaient attiré tous les regards indignés, le temps de quelques semaines, sur ce problème qui grignote notre planète depuis trop longtemps. Un dernier chiffre, pour la route : presque 4 000 km² partis en fumée depuis le début de l’année 2022… C’est plus grand que la Province de Liège.

Des records, dit-on, répète-t-on à longueur de temps, d’année en année puisque, malgré les constatations toujours plus alarmantes, peu de lumière semble émaner du bout de ce sombre tunnel. La froide réalité : les comptes-rendus sur l’état de la forêt amazonienne, chaque jour plus dégradée, spoliée, exploitée, sont devenus banalité.

Pourtant, les experts sont formels : nous sommes proches du fameux « point de basculement » de l’Amazonie. Selon les calculs scientifiques de 2018, une fois cette limite de 20 à 25 % de destruction atteinte, tout s’effondrerait : les précipitations diminueraient brusquement, entraînant une désertification à grande échelle de la forêt tropicale de la région.  L’Amazonie, au lieu de nettoyer l’air, deviendrait un énorme canon à CO2, nous précipitant inévitablement vers un avenir que personne ne pourrait souhaiter.

Or, un nouveau rapport du RAISG et de la Coica (Coordination des organisations autochtones du bassin amazonien) établit que déjà 26 % de l’Amazonie se trouvent dans un état de dégradation avancé ; et que 76,2 % de la forêt amazonienne a perdu en résilience. Voici pour illustrer l’étendue du problème.

Le sujet de la déforestation, bien que d’importance déterminante, n’est pas simple. Pour vous éclairer, nous avons rassemblé toutes les informations en une lecture de cinq minutes top chrono.

Feux de forêt : la faute à qui, à quoi ?

Le changement climatique

Avant toute chose, établir un cercle vicieux : le changement climatique et les feux de forêts se renforcent mutuellement. De façon très logique, un temps plus chaud et plus sec pendant une période prolongée rend la propagation d’un feu plus difficile à gérer. Donc, à mesure que l’ère des extrêmes climatiques avance, les feux de forêt prennent de plus en plus de force, d’ampleur, et deviennent plus souvent incontrôlables.

L’origine humaine

Mais s’ils sont enclenchés, ça n’est pas par hasard. Car en Amazonie, les feux de forêt ne font pas partie des cycles naturels de régénérescence de la forêt. C’est simple : 75 % des feux de forêt sont d’origine humaine : dégradation, consommation non durable, manque de gestion… Mais aussi et surtout la déforestation volontaire, illégale ou non : pour faire plus de place à l’élevage et l’agriculture, les forêts sont détruites à grande échelle.

L’inaction politique au Brésil

Quand on parle de conversion des terres, on entre dans les couloirs politiques : « le gouvernement de Jair Bolsonaro, soutenu par le vaste secteur agro-industriel du pays, porte la responsabilité de cette vague de destruction. (…) Le désir du Brésil de continuer à convertir l'Amazonie et le Cerrado - une vaste savane tropicale de la taille de l'Angleterre, de la France, de l'Allemagne, de l'Italie et de l'Espagne réunies - en terres agricoles et en pâturages est aussi très probablement à l'origine des récentes tentatives du gouvernement de faire dérailler les négociations en cours aux Nations unies visant à obtenir un accord mondial pour stopper et inverser la perte de biodiversité. », appuie Marco Lambertini, Directeur général du WWF.

Cette inaction s’accompagne de violation répétées des terres et des droits humains des peuples autochtones, pourtant reconnus comme les meilleurs gardiens des forêts.

La responsabilité de l’Europe et du monde

Nous avons parcouru la face visible de l’iceberg. Mais ce n’est pas tout. Car si nous voulons réellement voir du changement, il faut commencer par regarder ce qu’il se passe par chez nous. «  Une action efficace ne sera possible que si l'on reconnaît davantage le rôle direct que jouent les pays riches dans la déforestation et la conversion dans les économies émergentes comme le Brésil, par le biais d'une consommation non durable. », insiste Marco Lambertini.

Un chiffre à retenir : huit pays, dont la Belgique, sont responsables de 80 % de ce qu’on appelle la « déforestation importée » en Europe. Simplement dit, notre consommation de soja, d’huile de palme, de café, de chocolat, de viande et d'autres produits induit une destruction de la nature à grande échelle dans les pays producteurs, souvent loin, là où on ne la voit pas forcément. Déforestation qui a, une fois de plus, souvent lieu dans des pays où la production s’accompagne de la destruction de la nature et de la violation des droits humains.

En Europe, notre système alimentaire européen induit donc une énorme part de la déforestation et de la conversion des écosystèmes naturels. Il contribue aussi à 29 % des émissions de gaz à effet de serre mondial.

La nouvelle loi européenne contre la déforestation : la solution ?

Le lien de cause à effet entre déforestation et consommation européenne est établi : à partir du moment où l'Union européenne n'interdit actuellement pas les produits liés à la destruction de la nature sur le marché européen, ceux-ci peuvent se retrouver dans les rayons de nos supermarchés… et dans nos assiettes au quotidien.

Que chacun se rende compte de son propre impact et fasse des efforts au quotidien est essentiel (vous pouvez par exemple vous rendre compte de la quantité soja que vous consommez sans le savoir grâce à notre outil en ligne) ; mais ça ne suffit pas si les actions politiques fortes ne suivent pas.

En réponse à ce constat et pour rappel, la Commission européenne a lancé il y a deux ans une consultation publique sur la déforestation. Grâce à notre mobilisation autour du mouvement #Together4Forests, aux côtés de 160 autres ONG, 1,2 million de citoyen·nes européen·nes, dont 87 000 Belges, ont demandé à la CE d’adopter une loi forte pour lutter contre la déforestation que nous importons.

Deux ans et des dizaines d’étapes de négociations plus tard, nous sommes arrivés à un point crucial de l’affaire : mardi 13 septembre 2022, le Parlement européen a voté cette nouvelle loi : une victoire pour les européens et les européennes, et pour la planète !

Toutefois, il manque un élément clé à la nouvelle législation européenne sur la déforestation : elle ne couvre pas tous les autres écosystèmes naturels en dehors des forêts. Le Parlement européen a renforcé la proposition de la Commission européenne en étendant l'application de la loi non seulement aux forêts, mais aussi aux broussailles et autres terres boisées. Ce qui signifie que de grandes parties du Cerrado brésilien seront protégées. Toutefois, il ne tient pas compte des prairies et des zones humides telles que la pampa ou le Pantanal, qui sont toujours menacées de destruction, notamment par la consommation européenne. Nous continuerons à faire campagne dans les mois à venir, pendant les trilogues entre la Commission européenne, le Conseil et le Parlement, dans l'espoir d'y parvenir encore.

A quoi ressemble la déforestation, vu d'en haut?

#Together4Forests : nous pouvons toutes et tous agir

Vous avez été plus de 200 000 à envoyer un email aux député·es européen·nes. Merci à toutes et tous !

Et Marco Lambertini de conclure : « L'une des priorités du Brésil est le développement économique, mais celui-ci peut être réalisé de manière à bénéficier aux populations sans favoriser la déforestation et la conversion. L'Occident peut apporter son aide par un soutien financier et technique, mais c'est maintenant qu'il faut agir. »

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