Majete, paradis des lions
Majete, paradis des lions
La réserve de Majete se situe dans le sud-ouest du Malawi. Il y a 20 ans, cette zone naturelle de 715 km² ne comptait plus qu’une poignée d’antilopes. Aujourd’hui, Majete est une véritable oasis où s’épanouissent 13.000 grands mammifères. Et depuis 2012, le lion y a retrouvé son trône.
Depuis 2003, la réserve de Majete est sous le contrôle d’African Parks, une ONG partenaire du WWF. John Adendorff et Craig Thomas d’African Parks nous racontent comment Majete est devenue un paradis pour les lions. Une réussite qui s'accompagne de défis...
« Pendant trente ans, personne n’a vu le moindre lion à Majete », se souvient Craig Thomas. « Et puis, en 2012, nous avons fait venir une femelle (Shire) et deux mâles (Sapitwa et Chimwala) d'Afrique du Sud. En 2018, nous avons déplacé deux lions et trois lionnes supplémentaires à Majete, afin d’assurer une diversité génétique suffisante. Aujourd'hui, il y a au moins 75 lions dans le parc ! »
Selon John Adendorff, ce chiffre serait même sous-estimé. « L'extrême ouest du parc est particulièrement difficile d'accès, en raison de la végétation dense. Nous pensons que 10 à 15 autres lions y vivent. Nous n'avons pas encore pu les identifier, ils n'ont donc pas de colliers GPS. Mais nous y travaillons. »
Appâter les lions
« Nous surveillons de près nos lions », raconte Craig. « Grâce aux colliers GPS, nous savons où se trouve [l’essentiel des] troupes et nous les voyons régulièrement. » Pour ce faire, Craig et son équipe organisent des ‘appels’ : « Nous attachons une carcasse à un arbre, puis nous diffusons des sons qui éveillent la curiosité des lions – le son d'une proie qui panique, par exemple. Pendant que les lions mangent, nous pouvons alors les photographier. À propos, saviez-vous que l'on reconnaît les lions au dessin de leurs moustaches ? », sourit Craig.

« Grâce à ces ‘appels’, nous connaissons bien nos lions », renchérit John. Une tâche nécessaire, car la population croît de façon exponentielle. En 2022, il n'y avait qu’environ 35 lions à Majete : depuis lors, ce nombre a plus que doublé. Une excellente nouvelle pour l'espèce, mais cette progression s’accompagne aussi de défis.
Veiller sur une population en expansion
Avec 230 habitants par km², le Malawi est un pays très densément peuplé. Les parcs tels que la réserve de Majete forment donc des îlots de nature sauvage préservée et restaurée dans un paysage intensément utilisé par les humains. Pour éviter les conflits entre humains et animaux, Majete est donc clôturée. « Pas moins de 120.000 personnes vivent autour de Majete », explique John. « Nous voulons donc éviter à tout prix que les lions ne quittent la réserve. Cette clôture est essentielle, mais cela signifie également que nous devons contrôler la croissance de la population. La clôture empêchant les animaux de quitter le parc, celui-ci a donc une capacité maximale pour les lions. »

Que se passerait-il si cette capacité était dépassée ? « Cela aurait des conséquences pour les habitant·es du parc, pour les lions et pour leurs proies », explique John. « Pour les humains, parce que si les lions sont trop nombreux pour trouver leur propre territoire à l'intérieur du parc, de jeunes lions s'échapperont à un moment ou un autre. Pour les proies, parce que si les lions chassent trop d'animaux d'une certaine espèce, leur population peut devenir trop petite pour se rétablir. »
Qu’en est-il des risques pour les lions eux-mêmes ? « Tous les lions de Majete sont issus d'une très petite population fondatrice », explique John. « Nous devons donc veiller à leur diversité génétique. » Cela passe par réintroduire de temps en temps de nouveaux lions, mais reste un point d’attention. « À cause des clôtures, ils n'ont pas la possibilité de se reproduire avec des lions possédant un patrimoine génétique différent. »
Translocations et contraception
Pour limiter la croissance des populations de lions de Majete, African Parks utilise deux méthodes : transférer des lions de Majete vers d'autres parcs ou les empêcher de se reproduire. Craig a ainsi participé au transfert de deux lions vers le Parc national de Liwonde en juin. « C'est le seul autre parc du Malawi où nous pouvons emmener des lions, car il est également clôturé. Mais amener des lions en masse à Liwonde ne ferait que déplacer d'un parc à l'autre nos préoccupations concernant la croissance de la population et la diversité génétique. Ce n'est donc pas une solution miracle », précise-t-il.
La deuxième option est la contraception. « C'est là que les ‘appels’ démontrent toute leur utilité », explique John. « Les lions y sont habitués : ils viennent au son de l'appel et nous pouvons alors les étourdir. » Craig ajoute : « Les femelles reçoivent un implant sous-cutané qui agit 18 à 24 mois. Pour les mâles, nous faisons appel à une vétérinaire qui pratique des vasectomies. L'opération est la même que pour un chat domestique ordinaire, même si le chat est, dans ce cas-ci, bien plus gros… ! » Après l'opération, ils suivent les lions grâce à leur collier GPS pour s’assurer qu'ils sont en bonne santé, et leurs observations sont rassurantes. « Nous n'observons aucun changement de comportement. Ces animaux sont assez paresseux. Ils aiment surtout manger et dormir. Au bout d'un an, les lionnes commencent à prendre du poids, mais cet inconvénient est minime comparé aux avantages : maintenir la population de lions de Majete en bonne santé », conclut John.

Un succès pour les humains et les animaux
Outre les lions, Majete abrite aujourd’hui des éléphants, des rhinocéros, des guépards, des buffles, des girafes et des lycaons. « Ces animaux ont tous été réintroduits », indique John. « En raison du braconnage, le parc était quasiment vide quand African Parks en a repris la gestion en 2003. Les premières années, nous avons donc éliminé des milliers de pièges. La lutte contre le braconnage est peut-être notre plus grande victoire. Désormais, nous nous concentrons sur la coexistence avec les communautés locales. »
Car pour ces communautés aussi, la restauration de Majete porte ses fruits. « La réserve est devenue une attraction touristique. Vous avez 80 à 90% de chances de voir des lions si vous la visitez avec nos guides », explique John. « Le parc emploie aujourd'hui 174 personnes à temps plein et plus de 300 personnes à temps partiel. Nous soutenons aussi activement des entreprises durables, comme la production de miel par ‘Honey with Heart’, et nous offrons des bourses aux étudiants des communautés environnantes. »
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