Nos assiettes, bientôt garanties sans déforestation ?

Nos assiettes, bientôt garanties sans déforestation ?

Le 29 juin 2023 entrait en vigueur la tant attendue loi européenne contre la déforestation importée. Mais pour en constater les effets dans vos assiettes, il faudra encore attendre au moins un an et demi : le temps pour les entreprises de se débarrasser de tout ce qui entrainerait la déforestation dans leur chaîne de production. Une excellente nouvelle pour les forêts, mais la vigilance reste de mise pour les autres écosystèmes.

Aujourd’hui, nous assurer que nos achats ne contribuent pas à la déforestation est mission impossible. Pour faire nos courses en toute sérénité, nous devrions examiner chaque liste d'ingrédients et utiliser des grilles d'analyse à chaque achat... Mais bientôt, nous n'aurons plus à nous poser la question : seuls les produits sans déforestation auront un droit d’entrée sur le marché européen. Et c’est en partie grâce à vous !

Petit memento : à la fin de l'année dernière, nous célébrions la victoire de #Together4Forests, la campagne du WWF contre la déforestation. Pendant plus de deux ans, 1,2 million de citoyens, 217 ONG, des scientifiques, des peuples autochtones et des entreprises ont permis de faire de la loi européenne sur la déforestation une réalité. En mai dernier, le Conseil de l'Union européenne a donné son feu vert final. Et ce 29 juin, il est enfin entré en vigueur. Concrètement, qu'est-ce que cela signifie ?

Entreprises sans déforestation à partir de 2025

À partir du 29 juin 2023, les entreprises disposerons d’un an et demi pour devenir exempts de toute déforestation.

En effet, début 2025, les produits tels que le soja, le café, le cacao, le bois, l’huile de palme, la viande ou encore le caoutchouc ne seront plus autorisés à entrer sur le marché européen s’ils en sont responsables. Comment les entreprises s'en assureront-elles ?

  • De la ferme à l'assiette : la chaîne d’approvisionnement des entreprises devra devenir transparente.
  • À l'aide d'images satellites, les entreprises devront prouver que le site de production ne formait pas une forêt avant 2021.
  • Si les entreprises découvrent que des produits ont récemment causé de la déforestation, elles doivent les supprimer de leur chaîne de production.

De nombreuses entreprises ont déjà volontairement mis en place un système de surveillance pour une partie de leur chaîne d'approvisionnement. Elles doivent maintenant l'étendre. Résultat : à partir de 2025, lorsqu'un navire entrera dans un port européen, l'ensemble de sa cargaison devra répondre à des critères stricts. Et en tant que consommateur ou consommatrice, vous pourrez faire vos courses plus sereinement : si les entreprises respectent leurs obligations, aucune déforestation ne devrait plus se retrouver dans votre assiette !

Déforestation en Amazonie

Aussi fort que le maillon le plus faible

La responsabilité incombe donc aux entreprises. Mais comment l'Europe s'assurera-t-elle qu'elles appliquent la loi ? En intégrant des contrôles obligatoires. Cette étape est cruciale pour créer des conditions équitables pour les entreprises et les États membres.

Les entreprises doivent mettre en place un système de contrôle efficace pour s'assurer que leur produit ne contient pas de déforestation. Le gouvernement vérifie si elles remplissent leurs obligations légales. Si elles ne le font pas, l'amende pourra s'élever à 4 % de leur chiffre d'affaires européen de l’année précédente.

Au niveau national, l'enjeu est encore plus important. « Si un État membre applique la loi de manière moins stricte, il devient la porte d'entrée des produits illégaux. La loi est donc aussi forte que son maillon le plus faible », précise Béatrice Wedeux, Senior Forest Policy Officer au WWF-Belgique.

Contrôles en Belgique

La Belgique dispose actuellement de deux inspecteurs chargés d'appliquer le prédécesseur de la loi contre la déforestation (le règlement européen sur le bois). Cela ne suffit pas : le gouvernement estime qu'il en faudrait 20 de plus. Sans cela, la loi pourrait ne servir qu’à apaiser les consciences, sans freiner la déforestation insensée qui a encore lieu aujourd’hui.

Les autres écosystèmes laissés sur le pas de la porte

La loi contre la déforestation est un excellent début. Mais il comporte plusieurs lacunes. Dont celle de ne pas inclure les autres écosystèmes comme les savanes et les prairies ; d’importance pourtant capitale pour l’équilibre écologique de la planète.

Avec ce risque logique : celui de déplacer le problème des forêts vers les autres écosystèmes, déjà en proie à d’immenses pressions. La loi ne serait alors qu’un pansement sur une plaie ouverte.

À titre de compromis, la Commission a commencé à analyser la possibilité d’inclure les savanes ; elle a un an pour remettre ses conclusions. Les autres écosystèmes ne seront quant à eux analysés qu’après cela. Plus tard, ou trop tard.

Le Cerrado se meurt pour laisser vivre l’Amazonie

La bonne nouvelle du mois de mai 2023 : la déforestation dans l’Amazonie brésilienne a baissé de 31 % depuis le début de l’année par rapport à la même période en 2022.

Oui, mais… ne criez pas victoire trop vite.

Car sur cette même période, le Cerrado, la savane qui couvre 20 % de la superficie du Brésil, a subi la courbe inversée : + 35 % de destruction comparée à 2022, elle-même déjà année record.

Si la relation de cause à effet n’est pas clairement établie, les faits sont, quant à eux, édifiants : « Il se pourrait que les investisseurs agro-industriels soient déjà en train de d’abandonner les forêts au profit d’autres écosystèmes légalement exploitables, en prévision de la loi européenne. », estime Béatrice Wedeux.

Ce serait un mauvais calcul : le Cerrado, gigantesque tapis vert d’une surface équivalente à l’Angleterre, la France, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne réunies, constitue une gigantesque réserve d’eau potable, un énorme aspirateur à CO2 et abrite à elle seule 5 % de la biodiversité mondiale. Déjà la moitié de sa végétation naturelle a été détruite depuis les années 1960. Et si la tendance se poursuit, le Cerrado ne sera plus d’ici trois décennies.

Dans ce champ de soja du Cerrado, il reste un arbre solitaire.

Les yeux rivés sur l’avenir

Il ne fait aucun doute que la loi européenne sur la déforestation constitue un pas important dans la bonne direction. Mais si nous voulons vraiment faire la différence pour notre planète, il y a encore du travail à fournir. D'autres écosystèmes doivent également bénéficier de la protection nécessaire et la loi doit être appliquée avec vigueur. Cet outil a le potentiel de changer toute la culture du commerce. Utilisons-la à bon escient : le temps presse pour notre planète.

Inscrivez-vous à la newsletter mensuelle du wwf