56 % de la production de cacao peut maintenant être retracée jusqu’à la production et est déclarée sans déforestation, soit une augmentation de 11 % par rapport à l’année précédente
56 % de la production de cacao peut maintenant être retracée jusqu’à la production et est déclarée sans déforestation, soit une augmentation de 11 % par rapport à l’année précédente
Pilier de l’économie belge, le secteur du chocolat reste lié à la déforestation des forêts tropicales — une réalité bien connue et largement déplorée, mais toujours d’actualité. La nouvelle Chocolate Scorecard dresse un état des lieux des pratiques durables dans la filière, et montre, exemples à l’appui, que le changement est non seulement possible, mais déjà en marche. Marie Lebeau, notre responsable du programme Forêts, vous en dit plus.
À l'orée de la forêt, une harmonie retrouvée
Sous l’ombre douce des grands arbres, la lumière filtre en éclats dorés, dessinant une mosaïque vivante. Ces géants protègent les cacaoyers, modèrent la chaleur, retiennent l’humidité, et abritent la vie invisible qui soutient la culture. L’air, moite et chargé de parfums de terre et de cacao, palpite doucement.
Entre les troncs de bananiers, avocatiers, citronniers et ayous, les cabosses brunissent lentement, protégées par ce couvert végétal vivant. Le sol, riche et sombre, retient l’eau, nourrit les racines, et semble battre au rythme d’un écosystème en équilibre.
Ici, le cacao pousse en symbiose avec les arbres et la faune. Une polyculture vivante, résiliente, enracinée dans une autre vision de l’agriculture. La forêt adjacente demeure, refuge intact. Produire ne signifie plus détruire : on s’inspire de la forêt pour restaurer les terres fatiguées, pour faire renaître la diversité là où elle avait disparu.
Il fut un temps où cette harmonie semblait impossible. Mais ce temps s’éloigne. Une autre voie est déjà en marche.
Sous le couvert des anciens arbres pousse le cacao
Chaque carré de chocolat a une histoire. Une histoire qui commence bien loin de nos frontières : dans les forêts tropicales d’Afrique de l’Ouest, d’Asie ou d’Amérique latine. Le cacao ne pousse que dans une bande étroite autour de l’équateur, à moins de 20° de latitude nord et sud, où les conditions climatiques sont idéales pour sa culture. Il a besoin de températures entre 25 et 31 °C, et de précipitations régulières toute l’année. Le cacaoyer requiert beaucoup d’ombre, un sol vivant et bien drainé. Ce n’est pas la forêt intacte qu’il réclame, mais son héritage. La mémoire fertile d’un écosystème ancien.
Pour atteindre une productivité toujours plus grande, la monoculture des cacaoyers s’est imposée : sans ombre, sans diversité, inondée de pesticides, jusqu’à épuiser ce sol précieux. Quand la terre se meurt, il ne reste qu’une seule option : avancer encore, grignoter la forêt, en chercher une autre à sacrifier. Et ainsi naît le cercle vicieux de la déforestation. Une spirale qui transforme les forêts en plantations, et les plantations en déserts.
Briser ce cycle, c’est restaurer les sols, redonner vie à ce qui a été appauvri. C’est faire du cacao un fruit de la régénération, plutôt que de l’épuisement.
Le chocolat belge, l’allié en devenir des forêts tropicales ?
Ces forêts, pourtant essentielles à notre équilibre sociétal, climatique et environnemental, continuent de disparaître – notamment pour faire place à plus de plantations de cacao. En 2023, 3,7 millions d’hectares de forêts tropicales primaires ont disparu, laissant en fin de compte place à des terres désolées.
Chaque année, la consommation belge de chocolat par le secteur économique mène à la destruction de forêts tropicales sur une surface équivalente à 48 000 piscines olympiques.
Les forêts sont pourtant nos meilleures alliées pour assurer la vie — contre la crise climatique, contre la perte de biodiversité et pour la pérennité même du secteur du chocolat :
- Elles abritent 50 % de la biodiversité animale et végétale terrestre
- Elles absorbent le carbone et stabilisent le climat
- Elles protègent les ressources en eau et les sols
- Elles sont la maison de plus de 300 millions de personnes
Si notre passion nationale pour le chocolat devenait un levier pour préserver les forêts tropicales, au lieu de les faire disparaître ? Et si notre créativité, qui fait naître chaque jour des chocolats plus originaux, servait aujourd’hui à préserver et régénérer les forêts ?
Chocolate Scorecard 2025 : des signaux positifs
La Chocolate Scorecard 2025, parue cette semaine, offre des pistes concrètes pour engager une transformation en profondeur du secteur du chocolat. Ce baromètre international évalue près de 90 % du marché mondial selon des critères sociaux — comme le revenu des producteurs ou le travail des enfants — mais aussi environnementaux, allant du climat à la déforestation, en passant par la transparence, l’usage des pesticides ou l’agroforesterie.
Et une dynamique encourageante semble se dessiner. Le nouveau Règlement européen contre la déforestation (EUDR) porte ses fruits. Il exige des entreprises une traçabilité complète, jusqu’au producteur : savoir précisément d’où vient le cacao permet d’agir directement sur les problèmes qui sont liés à sa production.
Résultat : en 2025, plus de 56 % de la chaîne d’approvisionnement en cacao est désormais traçable et garantie sans déforestation — soit une progression de 11 % en un an. Une avancée tangible, qui montre que le changement est non seulement nécessaire, mais réalisable.
En Belgique, certaines entreprises montrent que la transition vers un chocolat durable n’est pas une utopie, mais une réalité déjà en marche. Le fournisseur Cémoi, acteur clé de l’industrie agroalimentaire, se distingue par son engagement fort en matière de durabilité.
D’autres avancent aussi à grands pas : Puratos, classée parmi les dix premières entreprises moyennes et grandes du classement, ainsi que Colruyt Group, qui se hisse à la quatrième place chez les distributeurs. En un an, ces acteurs ont mis en place des pratiques plus responsables en matière de traçabilité, d’impact climatique et de lutte contre la déforestation. La preuve qu’avec de la volonté, il est possible d’allier exigence économique et engagement environnemental.
Que peuvent faire les entreprises belges dès aujourd’hui ?
Le secteur du chocolat est à un tournant décisif. Soit il continue, parfois malgré lui, à épuiser les écosystèmes dont il dépend, soit il choisit de devenir un véritable acteur de la régénération des sols et du climat et de la préservation des forêts. Ce choix n’est pas simple. Il demande du courage, de l’investissement, dans un contexte déjà exigeant pour les entreprises.
Mais il n’y a plus d’alternative viable. La déforestation, bien que largement dénoncée, reste encore profondément enracinée dans la production du cacao. Il est temps de rompre ce lien destructeur. Pour la survie de nos entreprises, pour nos familles, pour la planète que nous laisserons derrière nous. Car ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement l’avenir du chocolat, mais celui de tout ce qui le rend possible.
Des pistes concrètes s’offrent aux entreprises qui s’engagent :
- Participer à la Chocolate Scorecard 2026
Pour évaluer objectivement sa chaîne d’approvisionnement, gagner en transparence, et identifier des leviers d’amélioration. - Agir à travers les fournisseurs
Même sans participer directement à la Scorecard, il est possible de :- Consulter les scores des fournisseurs et les challenger sur leurs pratiques.
- Sélectionner des partenaires dotés d’une stratégie de durabilité solide.
- Préserver et restaurer les forêts
En s’engageant dans une approche de régénération :- Éliminer toute forme de déforestation, de dégradation ou de conversion des forêts.
- Restaurer les zones déjà endommagées.
- Renforcer la résilience des cultures grâce à l’agroforesterie et à des pratiques agricoles durables.
- Soutenir la conservation des zones protégées.