Restaurer les berges d’une rivière entraine une réaction en cascade : plus d’invertébrés, plus de poissons, plus de prédateurs, plus de biodiversité en général. C’est ce cercle vertueux que nous mettons en place dans la Semois, source de vie et habitat de la loutre en Belgique. Zoom sur cinq espèces insoupçonnées, qui profitent particulièrement de nos efforts.

Fleuves et rivières sont depuis toujours des éléments vitaux des civilisations du monde entier. Les habitats d'eau douce abritent des milliers d’espèces, et participent à l’économie, la sécurité alimentaire et le bien-être humain. Ils constituent aussi une arme efficace contre les inondations. Malheureusement, ces écrins de vie sont aussi menacés par la pollution, les constructions, les barrages, les espèces envahissantes, etc. Seuls 23 % des plus longs fleuves du monde s’écoulent encore sans interruption.

Le WWF envisage depuis longtemps un monde où fleuves et rivières, pleines de vie, s’écouleraient naturellement jusque dans l’océan, sans obstacles artificiels. D’incalculables projets de restauration et de protection des rivières et cours d’eau sont en cours aux quatre coins de la planète, depuis l’Amazone jusqu’au fleuve Mékong, en passant par le Danube, par exemple.

La Belgique, la Semois et la loutre

En Belgique aussi, l’enjeu est de taille. Longtemps délaissées, les rivières du pays ont eu besoin d’un sérieux travail de restauration pour y insuffler la vie qui les avait peu à peu délaissées. Et le chantier est loin d’être terminé. Depuis 2018, nous travaillons notamment dans la Semois, un affluent de la Meuse, pour favoriser le retour de la loutre.

Pourquoi la loutre ? Parce qu’il s’agit d’une espèce parapluie : chaque action entreprise pour sa sauvegarde bénéficie à l’entièreté de la chaîne alimentaire. Que ce soit en restaurant les berges ou les frayères (des annexes au cours d’eau, où l’eau est plus stagnante, et où les poissons se reproduisent) ou en améliorant la continuité écologique, nous offrons pour chaque opération un habitat plus sain et sûr à un grand nombre d’espèces.

Voici cinq exemples, du plus petit au plus gros, qui bénéficient des actions de protection de la loutre, rien que dans la Vallée de la Semois :

Le nacré et le cuivré de la bistorte

En enlevant la balsamine de l’Himalaya, une plante envahissante qui prend possession des berges, nous permettons à d’autres espèces végétales de pousser, telle la renouée de la bistorte. Cette espèce est l’unique plante-hôte et source nectarifère de deux jolis papillons que sont le nacré de la bistorte (Boloria eunomia) et le cuivré de la bistorte (Lycaena helle), sa préservation est donc capitale.

La larve éphémère et autres invertébrés

Les petits invertébrés comme les larves éphémères (Ephemerella ignita) à la base de la chaîne alimentaire vivent entre les petites pierres, au fond de la rivière. Si l’érosion est trop importante, la terre qui se dépose au fond colmate les glaets, et empêche ces petits invertébrés de se développer. Or, restaurer les berges permet de diminuer l’érosion, car un système racinaire végétal plus adapté se crée. Les petites pierres au fond de la rivière sont plus accueillantes. Des petites larves peuvent s’y abriter, et s’y reproduire : ça signifie plus de nourriture pour tout le monde !

La truite fario

Plus de larves signifie plus de nourriture pour la truite fario (Salmo trutta fario), aussi appelée truite de rivière. Celle-ci tire par ailleurs parti de la restauration de la continuité écologique des cours d’eau, car elle apprécie remonter dans les petits cours d’eau frais et oxygénés, où elle se reproduit bien mieux.  Au plus grand bonheur de ses prédateurs, comme la cigogne noire… ou la loutre.

Le martin-pêcheur d'Europe

Amateur de petits poissons, le martin-pêcheur d'Europe (Alcedo atthis) se porte mieux si sa nourriture est abondante. Les actions de restauration de frayères ont donc un impact direct sur cette espèce et  l’estomac du martin pêcheur est bien souvent rempli ! Ce petit oiseau tire aussi parti de la restauration des berges, il y creuse en effet un terrier pour y faire son nid.

Le castor d'Europe

Toutes ces actions profitent aussi aux castors (Castor fiber), ingénieurs des rivières. Les castors réalisent des barrages éphémères qui engendrent de zones humides, propices à la reproduction des amphibiens et à la régénération des espèces végétales… Et ainsi, une boucle vertueuse se crée !

La loutre, en fin de compte, profite de tout : les berges restaurées lui offrent plus de cachettes, les frayères plus de poissons, et la levée de barrage lui permet de se déplacer à sa guise (elle a besoin d’un territoire allant de 20 à 40 km de rivières).

Mais c’est évidemment aussi à nous, humains, que profitent des rivières saines et pleines de vie. Nous en dépendons chaque jour.

Mais de toute l'eau présente sur Terre, l’eau douce ne représente que 2,5 %. En prendre soin est donc une absolue priorité, tant pour la nature que pour les humains.