« La panthère des neiges », le film de Marie Amiguet et Vincent Munier

« La panthère des neiges », le film de Marie Amiguet et Vincent Munier

« La Panthère des neiges », c’est LA sortie cinéma pour les amoureux et amoureuses de la nature en ce début de printemps. Après le livre et le roman graphique éponymes de Sylvain Tesson… Voici enfin le documentaire, réalisé par Marie Amiguet et Vincent Munier. Petit aperçu et entretien avec les protagonistes.

Le succès du film « La panthère des neiges » est déjà avéré. Présenté à Cannes dans la nouvelle section « Cinéma pour le climat », il a récemment remporté le César du meilleur documentaire.

Le film suit la quête de l’écrivain Sylvain Tesson et du photographe Vincent Munier pour repérer l’insaisissable léopard des neiges. Marie Amiguet, compagne de Vincent Munier, signe la réalisation de son premier long métrage. Une prouesse particulièrement réussie.

Ode à la patience et déclaration d’amour à la nature inviolée, ce voyage initiatique d’un esthétisme bouleversant allie humour et poésie. Il vous fera cheminer de façon inédite dans les paysages épurés du haut plateau tibétain, peuplé de créatures extraordinaires. Une bouchée d’air frais dans ce monde qui vit à mille à l’heure. Le petit plus : Au-delà du bonheur des yeux, vos oreilles seront gâtées aussi avec la bande originale créée par Nick Cave et Warren Ellis.

Le film sort ce mercredi 30 mars au cinéma, et restera en salle minimum deux à trois semaines. Jusqu’à ce vendredi 1er avril, vous pouvez gagner deux places pour aller le voir dans le cinéma de votre choix. Rendez-vous sur notre page Instagram pour plus d’informations.

Interview croisée de Marie Amiguet et Vincent Munier

Vincent Munier, racontez-nous votre première rencontre avec la panthère des neiges.

Vincent Munier : Quel moment ! Mais c’est d’abord le pistage qui est passionnant : chercher les traces, lire les indices, passer des journées entières les yeux rivés aux jumelles. C’est tellement excitant de la pister ! Elle a un petit côté diabolique, au fond, à nous observer en permanence sans que nous soyons capables de l’apercevoir. Elle nous oblige à fonctionner un peu comme elle : à nous cacher, à nous camoufler, à ne surtout pas être intrusifs... voilà ce qu’elle nous apporte.

La première fois, les choses sont allées doucement crescendo : d’abord, des traces anciennes, puis des traces fraîches, un cri de corbeau (qui suggérait la présence d’un prédateur dans le coin), le temps qui change (ce qui pousse souvent les animaux à se déplacer) ... Et, alors que j’alignais des heures et des heures d’observation dans les jumelles, elle est soudain entrée dans mon champ de vision. Elle est passée sans me voir ! C’était comme une parfaite entrée de champ dans un film animalier. J’ai ressenti d’autant plus de satisfaction que je ne l’avais pas perturbée dans son déplacement.

Marie Amiguet, qu’étiez-vous venue filmer ? La panthère des neiges ? Le célèbre photographe animalier sur les traces de la panthère ? Une rencontre « au sommet » entre l’écrivain à la faconde facile et le silencieux maître de l’affût ?

Marie Amiguet : Ça, je l’ai inscrit dans mon carnet à notre départ : je voulais filmer, en effet, la rencontre entre deux bonshommes d’univers différents. J’étais curieuse de découvrir quel feu d’artifice ce tête-à-tête allait provoquer entre, d’un côté, Vincent, un homme très sensible à la nature, obsédé par la beauté et effectivement taiseux, et de l’autre, cet écrivain très volubile qui dévore la vie par les deux bouts. J’aime filmer les gens passionnés, tenter de comprendre ce qui anime ces êtres humains d’exception. Cela dit, je n’avais pas d’a priori. Je n’ai fait aucun repérage et je refuse de mettre quoi que ce soit en scène. Il me fallait donc rester ouverte simplement à ce qui allait se présenter.

Vincent Munier et Sylvain Tesson
« Il y a une bête au Tibet que je poursuis depuis six ans, dit Munier. Elle vit sur les plateaux. Il faut de longues approches pour l’apercevoir. J’y retourne cet hiver, viens avec moi. »
« Qui est-ce ? »
« La panthère des neiges. »
« Je pensais qu’elle avait disparu. »
« C’est ce qu’elle fait croire. »

Pourquoi avoir voulu partir avec un écrivain ?

Vincent Munier : Pour élargir le spectre, en quelque sorte. Me nourrir de ces beautés que je vais glaner et de ces rêves vivants n’est, à mon sens, plus suffisant. J’aspire à partager ces expériences, à attirer l’attention sur l’urgence qu’il y a à échapper à notre anthropocentrisme exacerbé, à l’hégémonie dévastatrice de l’espèce humaine sur toutes les autres. Je suis si meurtri par le sort de tous ces animaux acculés dans des espaces de vie de plus en plus réduits par notre faute ! Or, il est difficile de rendre compte de cette dimension par l’image seule, surtout quand on a choisi comme moi de montrer la beauté plutôt que la dévastation. Appuyer l’émerveillement que je cherche à véhiculer via mes photographies par un discours construit, engagé, m’apparaît nécessaire.

Vincent Munier, vous dites vous-même dans le film : « Je n’ai pas une démarche de photojournaliste, à montrer ce qui ne va pas dans la nature. » Mais recueillir ses beautés, n’est-ce pas un peu faire l’inventaire de ce qui va bientôt disparaître ?

Vincent Munier :C’est tristement vrai ! Et il se trouve que je ne suis pas assez armé pour poser mes caméras là où c’est dur, sombre, là où l’horreur s’est imposée. Je rends d’ailleurs hommage à ceux qui sont capables de s’y confronter. Moi, par nature, je tends à me nourrir de la poésie, de la beauté, même lorsqu’elle est extrêmement vulnérable, et j’aurais bien du mal à me faire le témoin uniquement de catastrophes écologiques.

La panthère semble vraiment avoir voulu participer à la tension du récit. Elle se décide à se montrer alors que vous vous apprêtiez justement à lever le camp et quitter le Tibet, comme une vraie scénariste de film à suspense. Inespéré, Marie, non ?

Marie Amiguet : Surtout qu’en réalité, je n’imaginais même pas qu’on puisse la voir ! Je la percevais comme totalement inaccessible, une photo dans un livre, et moi, ça me suffisait. Et puis elle est venue. Et à quel moment ! Mais le plus impressionnant, peut-être, c’est que ce soit précisément cette vieille panthère, la plus cabossée du Tibet sans doute, qui choisisse de rencontrer Sylvain. Il y a là quelque chose de mystique.

Aujourd’hui, après l’avoir croisée à plusieurs reprises, que représente encore la panthère des neiges, à vos yeux ?

Marie Amiguet : C’est l’animal totémique par excellence. Ce qui, paradoxalement, n’est pas sans danger : elle fait partie de ces espèces si emblématiques qu’elles pourraient occulter toutes les autres. D’où le choix de notre dernier plan, qui s’est porté sur un simple petit rouge-queue, afin de rappeler que la faune doit être préservée dans son intégralité, que l’on doit y être attentif.

Reste que ce félin impassible, qui nous observe de haut sans se manifester, fait figure de vigie silencieuse au sommet d’un monde qui s’abîme. Elle est l’emblème de toute cette diversité (animale, mais aussi culturelle) qui disparaît, entraînée dans les bouleversements de notre époque. Elle incarne le concept de « rareté », cette rareté dont on peut s’approcher, certes, mais à tâtons, pour ne surtout pas déranger.

Vincent Munier : La première rencontre est forcément inoubliable. Comme toutes les premières fois essentielles : avec le lynx boréal chez nous en France, que j’ai attendu pendant 15 ans, après moult bivouacs... Je l’entendais feuler, mais de là à le voir ! Et enfin, le jour où il se montre, on approche quelque chose de l’ordre de l’absolu, qui nous hante pendant longtemps. On finit par se demander si ces visions relèvent du fantasme ou de la réalité, tant elles nous habitent. Et il n’y a pas que l’image ! Les odeurs, les bruits : tout nous imprègne durablement. Quelque chose d’extérieur à nous vient se loger en notre intérieur, et nous met en mouvement. Comme l’a fait le tout premier chevreuil que j’ai photographié à l’âge de 12 ans, et qui a fait basculer ma vie. Voilà l’effet que produit la panthère des neiges sur moi encore aujourd’hui.

Au WWF-Belgique, nous finançons un projet de conservation de la panthère des neiges. Nous sommes également partenaires de la sortie du documentaire en Belgique.

VOUS SOUHAITEZ RESTER AU COURANT DE TOUTES NOS ACTUALITÉS ?
INSCRIVEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER