La nature rapporte, l’inaction coûte cher
La nature rapporte, l’inaction coûte cher
Namur, le 26 septembre. Selon une nouvelle étude, l'inaction climatique entraînerait une perte de 577 millions d'euros par an en services rendus par la nature rien que pour la Wallonie. La société civile s'inquiète du montant du budget wallon dédié à la nature et rappelle l’importance d’y allouer suffisamment de ressources : investir dans la nature, c’est réduire la facture de demain et renforcer notre résilience.
La semaine dernière, l’AWAC a publié un état des lieux des risques climatiques en Wallonie (1). Parmi eux, plusieurs touchent directement la nature, et donc les services vitaux qu’elle rend chaque jour : purification de l’air, séquestration du carbone, régulation de l’eau… Selon le consortium d’experts, dans un scénario à +2 °C, le coût de l’inaction atteindrait 577 millions d’euros par an (2). Autrement dit, plus la nature se dégrade, plus la facture grimpe pour la société. À l’inverse, investir dans la nature renforce notre résilience et réduit ce coût : chaque euro investi permet d’éviter des pertes bien plus importantes demain.
Pourtant, alors qu’il prépare le budget 2026, le gouvernement wallon envoie des signaux inquiétants sur la faiblesse des moyens qui seraient attribués à la nature. L’an dernier déjà, le budget pour la protection et la restauration de la nature avait été réduit, avant une correction ponctuelle de 5 millions d’euros, présentée comme non structurelle.
Or, au devoir moral envers les générations futures s’ajoute aussi une réalité juridique. La Wallonie est tenue de restaurer la nature par un règlement européen : 30% des habitats naturels dégradés d’ici à 2030 et l’ensemble des habitats dégradés d’ici à 2050.
Le Gouvernement wallon a bien adopté une stratégie de restauration avec l’objectif de protéger 5 % du territoire. Mais sans nouveaux moyens pour financer la restauration de la nature ou soutenir les communes dans leurs actions, ces ambitions restent de simples déclarations d’intention. En effet, une étude sur le financement de la biodiversité (2023) (3) fait état d’un important déficit de financement de la biodiversité en Belgique pour atteindre tous nos objectifs en la matière (jusqu’à 193 millions de plus par an pour la Wallonie durant cette législature) et appelle les gouvernements à faire un état des besoins approfondi.
Pendant ce temps, les indicateurs de biodiversité continuent de plonger. Dans les milieux agricoles, les populations d’oiseaux ont chuté de 59 % depuis 1990. En forêt, 13 espèces sur 22 sont en déclin, pour une perte globale de 29 % en trente ans (4). En zone urbaine, l’artificialisation continue : 613 km² de terres naturelles ou agricoles ont disparu depuis 1985, soit quatre fois la surface de Bruxelles. Ces reculs alertent sur une perte significative des services écologiques essentiels à notre santé, notre sécurité et notre économie.
L’ensemble de nos organisations demandent dès lors des mesures concrètes dans le budget 2026 : une augmentation significative du budget dédié à la protection et la restauration de la nature, et une étude approfondie des besoins en financement, pour préparer le prochain budget. Restaurer la nature est un investissement, pas une dépense (5).
Miser sur la nature, c’est protéger dès aujourd’hui notre santé, notre sécurité et notre économie.
Ce communiqué a été signé par 7 organisations : Canopea, Cercles des Naturalistes de Belgique, La Ligue Royale belge pour la Protection des Oiseaux (LRBPO), Maison Dandoy, Natagora, Triodos, WWF - Belgique
Notes aux éditeurs :
- Le 23 septembre dernier, l’Agence wallonne de l’Air et du Climat a publié une étude réalisée par un consortium d’une quarantaine d’experts Celle-ci analyse les impacts du dérèglement climatique sur des secteurs clés en Wallonie, dont la biodiversité et l’agriculture, via la modélisation des trois niveaux de réchauffement (+ 2°C, + 3°C et + 4°C). Le rapport final de l’étude est disponible ici. Les cartes et infographies sont aussi disponibles sur le portail climat de l’AWAC, ici.
- Pour calculer ce coût de 577 millions, nous avons pris en compte les coûts de l’inaction, autrement dit la quantification monétaire d’un maximum d’impacts dans chaque système exposé aux risques climatiques si aucune action d’adaptation n’était menée, en se focalisant sur le système “Biodiversité - Services éco-systémiques”. Le tableau se trouve ici. On pourrait argumenter qu’investir dans la nature permettrait également de limiter les coûts liés à la diminution des rendements agricoles.
- Voir le rapport réalisé par le WWF-Belgique en mai 2023 ici, qui explore l'écart entre les ambitions de la Belgique en matière de biodiversité et les dépenses réelles consacrées à la nature.
- Voir l’état de l’environnement wallon ici, qui montre que les populations d’oiseaux communs sont en diminution sur le long terme en Wallonie, comme au niveau européen.
- Voir le rapport de VITO commandé par le WWF, Natuurpunt et Natagora ici, qui montre les retours économiques et sociaux d’investissements réalisés dans le cadre de trois projets belges de restauration de la nature. Les résultats de ce rapport montrent que chaque euro investi dans la restauration de la nature rapporte entre 8 et 51 euros.