Une nouvelle aire protégée de 87 000 hectares relie le Pantanal et le Grand Chaco

Une nouvelle aire protégée de 87 000 hectares relie le Pantanal et le Grand Chaco

Au carrefour entre le Pantanal et le Grand Chaco se trouve Monte Carmelo, en Bolivie. Grâce à son statut de protection fraîchement acquis, le territoire devient désormais un pont de nature et d’eau entre 28 aires naturelles et territoires indigènes. Une grande victoire pour les communautés, la nature et la faune sauvage comme le jaguar, qui a besoin de se déplacer en toute sécurité.

Il existe encore des lieux où la nature reste presque intacte. Des endroits où les sources alimentent la vie de communautés entières et où les forêts tracent des chemins invisibles pour les animaux. Et ces lieux, de plus en plus rares, il faut les préserver à tout prix.

C’est dans cet esprit que le gouvernement municipal d’El Carmen Rivero Tórrez, en Bolivie, vient de créer la zone protégée de Monte Carmelo. Cette aire couvre une superficie de 87 173 hectares. Sa protection permettra d’éviter sa destruction pour  urbanisation ou agriculture, et de préserver les rôles essentiels qu’elle joue pour la région.

En effet, elle protège les sources d’eau qui approvisionnent les populations locales ; elle permet, en connectant les différents écosystèmes, de conserver les forêts essentielles ; et surtout, elle offre au jaguar, une espèce clé pour l’équilibre de l’écosystème, un espace de déplacement sécurisé.

Un carrefour unique de trois écosystèmes

Monte Carmelo se situe au point stratégique du paysage Pantanal-Chaco (PACHA), à la jonction de trois écosystèmes majeurs :

D’abord, le Pantanal, la plus grande zone humide continentale du monde (195 000 km², soit plus de six fois la Belgique). Son nom vient du mot portugais pântano, qui signifie marais. Cette plaine inondée, formée il y a deux millions d’années par les mouvements tectoniques, accueille une biodiversité impressionnante, dont la loutre géante, le capybara (le plus gros rongeur du monde) et le jaguar. Pendant la saison des pluies, de novembre à mars, l’eau peut monter jusqu’à sept mètres, ne laissant émerger que les zones les plus hautes.

Ensuite, le Grand Chaco, seconde plus grande forêt d’Amérique latine ; un territoire d’extrêmes. Il s’étend sur la Bolivie, l’Argentine, et le Paraguay principalement. Son nom vient du quechua chaku, qui signifie « (territoire de) chasse ». Aussi vaste que l’Espagne et l’Allemagne réunies, il mélange savanes, zones humides et forêts sèches, où une faune résiliente s’est adaptée à des conditions parfois très arides et difficiles.

Enfin, la forêt sèche de Chiquitano, un écosystème précieux et vital pour la connectivité de la région.

Monte Carmelo relie ainsi de nombreuses aires protégées – San Matías, Tucabaca, Kaa-Iya, Otuquis, ainsi que des zones au Brésil et au Paraguay – créant un corridor naturel à l’échelle continentale.

L’importance des corridors écologiques

Les corridors permettent aux espèces de se déplacer, de trouver de la nourriture, un partenaire ou un nouvel habitat. Ils sont essentiels à la survie de la faune, en particulier pour les grands prédateurs comme le jaguar, dont la présence garantit l’équilibre des écosystèmes. Et Monte Carmelo a été identifié comme un lieu clé pour la connectivité du jaguar. En 2023, des pièges photographiques ont confirmé sa présence dans la zone. Le grand félin ayant déjà perdu plus de la moitié de son territoire d’origine, lui garantir des couloirs de déplacement est crucial pour sa survie.

Avec Monte Carmelo, ce sont désormais 28 aires protégées et territoires indigènes qui se rejoignent, couvrant plus de 12 millions d’hectares de conservation continue – le plus grand ensemble protégé de ce type dans la région. Ce projet s’inscrit dans la stratégie Pantanal 2022–2030, qui vise à renforcer les corridors du jaguar et la gestion intégrée des aires protégées.

Un effort collectif et participatif

La création de Monte Carmelo est le fruit de plusieurs années de travail. Le point de départ ? Une étude prouvant que cette zone s’avère cruciale pour l’approvisionnement en eau de la population. Le WWF a travaillé avec le gouvernement municipal et la Société bolivienne de droit de l’environnement (SBDA).

« Cette aire protégée est très importante car elle comble un vide entre des aires protégées qui s’étendent du Brésil au nord jusqu’au Paraguay au sud. C’est le résultat d’années de travail avec des spécialistes, et un bel exemple du passage de la science aux actions concrètes sur le terrain. », expliquait Rafael Antelo, responsable de l’initiative Wildlife Connect.

Monte Carmelo

Les communautés d’Ocho Hermanos, Carmen Viejo et Carmen Uno ont aussi, c’était primordial, donné leur consentement libre et volontaire pour intégrer leurs territoires à la zone protégée. En effet, la conservation n’est possible qu’avec l’implication des communautés locales.

Grâce à cette décision, Monte Carmelo devient un pont vivant entre l’eau qui nourrit les communautés et les forêts qui abritent la faune. Un pas courageux en faveur de la nature, et ouvre l’espoir qu’un territoire en équilibre puisse être transmis aux générations futures.

« Cette terre ne fait pas que produire, elle conserve aussi. De cette préservation naissent nos moyens de subsistance, notre identité et une vision claire pour l’avenir. Cette décision est un héritage pour les générations futures », a déclaré Celvy Orellana, maire d’El Carmen Rivero Tórrez.