Ramener le tigre dans son royaume perdu au Kazakhstan

Ramener le tigre dans son royaume perdu au Kazakhstan

Régnant autrefois sur de vastes territoires, les tigres sauvages ont perdu 92 % de leur habitat en un à peine un siècle. Aujourd’hui, grâce à la première réintroduction internationale de tigres au monde, une nouvelle population pourrait renaître au Kazakhstan. Un défi scientifique et écologique pour réensauvager des territoires clés et offrir un avenir à l’espèce.

Les tigres sauvages sont des superprédateurs dont la présence permet de maintenir l’équilibre écologique de leur écosystème. Mais pour cela, ils ont besoin de larges forêts saines et interconnectées pour se déplacer, se nourrir et se reproduire.

Aujourd’hui pourtant, les tigres sont confinés dans 8 % des habitats dont ils disposaient il y a encore cent ans. Les populations sont aussi bien plus isolées les unes des autres. La faute à la destruction des habitats, mais aussi au braconnage ou encore au manque de proies.

Pour accroître la population des tigres sauvages et assurer une coexistence entre humains et tigres, nous avons donc besoin de sécuriser des zones de présence historiques pour que les tigres puissent y évoluer à nouveau. C’est pourquoi, en 2022, le WWF a identifié 1,7 millions de km² de zones naturelles potentiellement adaptées au retour de l’espèce. Une priorité pour l’avenir de l’espèce, ainsi que pour réensauvager ces espaces naturels qui, plus sains, profiteront aussi aux humains.

tiger range map
En jaune clair, l'aire de répartition historique du tigre. En orange, ce qu'il en reste aujourd'hui.

C’est le cas de la réserve naturelle d’Ile Balkhash, au Kazakhstan. Éradiqués par le braconnage, les tigres avaient disparu du pays depuis la moitié du 20e siècle. Pourtant, les espaces demeurent adaptés à la présence du félin, mais, par son absence, ils ont perdu de leur superbe. Alors, comment les tigres peuvent-ils atteindre ces régions dont ils ont disparu ?

Deux façons d’étendre l’aire de répartition des tigres

Il existe deux façons d’étendre l’aire de répartition des tigres. La première est naturelle : les tigres s’éloignent de leur endroit initial pour trouver un nouveau territoire. Cela arrive par exemple au moment où les habitats atteignent leur « capacité de charge », c’est-à-dire le nombre maximum de tigres qu’une zone donnée peut supporter, compte tenu du nombre de proies, la taille de la zone, et du nombre de tigres déjà présents.

Ces déplacements exigent une bonne connectivité entre différentes zones naturelles afin que les tigres puissent se déplacer librement et en sécurité. Et vous l’aurez compris : aujourd’hui, c’est de moins en moins le cas. Les habitats sont souvent isolés en îlots qui ne permettent plus à l’espèce de s’étendre naturellement, ou du moins pas de façon sécurisée.

L’autre manière d’étendre la répartition des tigres est d’opérer des translocations. C’est-à-dire déplacer physiquement et artificiellement des tigres d’une zone à l’autre. Dans ce cas, les tigres peuvent être sauvages ou issus de captivité.

La translocation est un outil de conservation important. Toutefois, il s’agit d’une méthode longue, coûteuse, et qui demande énormément de préparation méticuleuse, ainsi qu’un suivi assidu par la suite. Il n’avait donc jamais été mis en action pour les tigres au niveau international, jusqu’à l’année dernière. Deux tigres captifs des Pays-Bas – Bodhana et Kuma - ont été sélectionnés pour rejoindre le Kazakhstan. La première translocation internationale de tigres au monde : tous les yeux du monde de la conservation se sont tournés vers ce projet.

En septembre dernier, après plus de six ans de travail acharné de préparation, ils sont arrivés au pays, et ont été placés dans deux enclos différents. Depuis, les félins s’acclimatent à l'hiver froid et à leur nouvel environnement. Bientôt, ils seront déplacés dans le même enclos et, si tout se passe bien, leur progéniture marquera le début d’une nouvelle population de tigres sauvages dans le pays.

D’autres translocations suivront dans les années à venir. L’objectif est d’atteindre une population saine d’environ 50 individus d’ici 2035.

Redonner au tigre la place qu’il mérite

En 2010, les populations de tigres ont atteint leur niveau le plus bas, c’est-à-dire 3 200 individus – contre 100 000 au début du 20e siècle. En 15 ans, ce nombre a presque doublé et atteint 5 574 au dernier comptage, en été 2023. Malgré ces nouvelles encourageantes, le tigre n’est pas encore sorti d'affaire. La menace permanente du braconnage, de la perte d'habitat et des conflits potentiels avec l’humain ont un impact sur la quasi-totalité des populations de tigres sauvages.

Le retour du félin là où il a disparu et le réensauvagement de l'écosystème de l'île Balkhash constituent un investissement à long terme en matière de conservation, qui crée un précédent important en matière de conservation.

Ce projet est mené par le gouvernement du Kazakhstan avec le soutien du WWF, notamment de l'initiative WWF Tigers Alive et du WWF-Pays-Bas.

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