Première réintroduction transfrontalière de tigres au monde
Première réintroduction transfrontalière de tigres au monde
Cela faisait 70 ans qu’aucun tigre sauvage n’avait plus foulé les terres du Kazakhstan. La faute à la destruction de son habitat, au braconnage et au manque de proies. Mais aujourd’hui, un nouveau chapitre s’ouvre : deux tigres de Sibérie ont entrepris un long voyage depuis les Pays-Bas jusqu’à la réserve naturelle kazakhe d’Ile-Balkhash. Leurs descendants deviendront ainsi les premiers tigres sauvages kazakh du 21e siècle. Une étape historique pour assurer l'avenir de ce grand félin.
« Aujourd'hui, nous franchissons une étape grandiose pour le retour des tigres au Kazakhstan et en Asie centrale », se réjouit Stuart Chapman, responsable du programme WWF Tigers Alive. « Ce déplacement de tigres est une étape cruciale non seulement pour ramener le grand félin dans sa terre d'origine, mais aussi pour réensauvager tout un écosystème. »
Le 20 septembre dernier, Bodhana and Kuma, un couple de tigres de Sibérie en captivité, ont quitté le sanctuaire Shelter Stichting Leeuw à Anna Paulowna, aux Pays-Bas, en vue d’une nouvelle vie au Kazakhstan. À plusieurs égards, cet événement est historique : il s’agit en effet de la première réintroduction internationale de tigres au monde. Cette prouesse permettra aussi de ramener le tigre dans un pays qui n’en avait plus vu depuis 70 ans.
Le mâle et la femelle sont désormais logés dans une vaste enceinte semi-naturelle de trois hectares, au sein de la réserve naturelle d’Ile-Balkhash. Si tout se passe bien, leurs futurs petits seront relâchés à l’état sauvage, devenant ainsi les premiers tigres à sillonner librement le Kazakhstan depuis 1948, année présumée de leur extinction.
Tigre de la Caspienne, sous-espèce éteinte
Au début du 20e siècle, 100 000 tigres vivaient à l’état sauvage en Asie, les neuf sous-espèces confondues. Mais l’espèce a connu une chute vertigineuse à cause du braconnage, de la destruction de son habitat et du manque de proies. En 2010, ils n’étaient plus qu’au nombre alarmant de 3 200. Trois des neuf sous-espèces, dont le tigre de la Caspienne, avaient disparu.
Lors du Sommet international du Tigre organisé cette année-là, le gouvernement kazakh a exprimé son souhait de réintroduire des tigres. C'est ainsi qu'est né ce projet unique, réunissant gouvernements, ONGs et communautés locales.
Long processus avant le Graal
Le WWF a recherché des espaces naturels où les tigres pourraient, moyennant d’importants moyens de restauration, revenir et être protégés. La réserve de Ile-Balkash s’est présentée comme candidate idéale : la zone est peu densément peuplée et l’écosystème, raisonnablement intact, offre assez de place pour au moins 50 tigres sauvages, voire 120.
Cependant, la réintroduction du tigre est l’aboutissement d’un travail de longue haleine, entamé il y a dix ans. Aujourd’hui, l’espace jouit d’un statut de protection solide, et des fonds ont été alloués à la reforestation de plus de 50 hectares d’arbres indigènes, ainsi qu’à la réintroduction d’espèces de proies cruciales comme le cerf de Boughara et le koulan (âne sauvage d’Asie).
Quant aux choix des tigres, à défaut de pouvoir réintroduire le tigre de la Caspienne, le choix s’est porté vers son plus proche cousin : le tigre de Sibérie. Il est en effet bien adapté aux conditions climatiques que l’on retrouve au Kazakhstan : hivers rigoureux, étés chauds.
Le retour de ce grand prédateur jouera un rôle clé dans la bonne santé de l’écosystème, dont dépendent à la fois les humains et la faune.
Collaborer avec les communautés locales pour une réintroduction réussie
Si la cohabitation avec le loup suscite parfois des débats par chez nous, on peut aisément imaginer la crainte que le retour du tigre peut provoquer. C’est pourquoi, dès le début du projet, la communauté locale autour de la réserve naturelle d'Ile-Balkhash a été étroitement impliquée . Elle a notamment reçu un soutien pour développer le tourisme naturel dans la région.
« Avec le lancement du programme de réintroduction des tigres, nous avons été témoins d’un changement significatif - la renaissance de la nature et de notre village de Karoi. Ce projet ne se contente pas de restaurer des écosystèmes perdus, mais nous remplit aussi de fierté de participer à un processus historique... Grâce à de petites subventions du WWF, nous avons l’opportunité de faire ce que nous aimons, de développer de petites entreprises et de créer des emplois dans le village, ce qui nous apporte joie et confiance en l’avenir. », soulignait Adilbaev Zhasar, chef du groupe communautaire local « Auyldastar ».
Avenir du projet tigres au Kazakhstan
La translocation de ces tigres est la première d’une série prévue dans les années à venir. L’objectif est de constituer une population saine d’environ 50 tigres sauvages d’ici 2035. Cette initiative illustre non seulement la résilience de l’espèce, mais aussi l’importance de la coopération entre gouvernements, organisations de conservation et communautés locales pour la préservation de la faune et de la nature.
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