Protéger les esturgeons, derniers dinosaures d’Europe

Protéger les esturgeons, derniers dinosaures d’Europe

Les esturgeons peuplent notre planète depuis l’époque des dinosaures. Mais aujourd’hui, leur avenir n’est plus garanti : il s’agit du groupe d'espèces le plus menacé sur Terre. En cause : la surpêche, le commerce illégal de caviar et les perturbations de leur habitat. Mais on peut encore sauver les esturgeons ! Et dans le même temps, faire revivre nos rivières...

Qui, en Europe, peut se vanter de n’avoir pas pris une ride en 200 millions d’années ? Peu d’espèces, à part l’esturgeon d’Europe (Acipenser sturio). Ce fossile vivant, qui peut atteindre cinq mètres de haut, vivre jusqu’à 100 ans et peser 360 kg, peuple encore les rivières du Bas-Danube en Europe. Depuis le temps des dinosaures, ce poisson sans écailles et à la tête en forme de bec, n’a pas beaucoup évolué…

Par contre, son environnement a changé du tout au tout. Et aujourd’hui, tout ne baigne pas, pour l’esturgeon. Quatre des 18 espèces sont déjà éteintes. Et deux-tiers des autres sont en danger critique d’extinction, selon l’IUCN. Pour le sauver, il faut lutter contre le braconnage, et permettre à la rivière de regagner en diversité. L’avantage, c’est que restaurer son habitat, c’est aussi préserver notre avenir en Europe.

 River Mura

Le paradis du Danube menacé par les activités humaines

Le Danube, dans le "Coeur vert de l'Europe", parcourt 2 857 km, de la Forêt Noire à la Mer noire, et traverse 10 pays. C’est l'un des derniers bastions de l’esturgeon en Europe, où il peut encore migrer sur 800 km pour se reproduire.

Ces vastes zones naturelles abritent une faune riche et souvent menacée. On y trouve des mammifères bien connus comme les castors et les loutres, mais aussi des aigles à queue blanche, des cigognes noires et même de majestueux pélicans frisés.

Mais depuis 150 ans, les activités humaines abîment petit à petit ce dernier havre… La liste des activités néfastes est longue : les anciennes plaines inondables sont transformées en terres cultivées ; les méandres sont coupés au cordeau ; les berges aseptisées ; des infrastructures importantes sont installées pour l'aménagement de voies de navigation ; le sable des fonds est dragué et des barrages pour la production d'énergie hydroélectrique bloquent le libre cours de l’eau et de la vie qu’elle renferme…

 Hydroelectric power station, Danube River, Romania
Station de production d'énergie hydroélectrique sur le Danube (Roumanie)

Toutes ces interventions humaines affectent négativement les espèces aquatiques et semi-aquatiques, leurs conditions de migration, de reproduction, et d'alimentation. Le maintien des zones naturelles restantes et la restauration des fonctions naturelles du Danube sont donc une priorité pour nous, au WWF.   

Commerce illégal et prises accessoires dans le Danube

Les menaces environnementales ne sont pas les seules à rendre la vie des esturgeons difficile. Bien que les esturgeons sauvages soient officiellement protégés par tous les États qu’ils traversent, la pêche illégale se poursuit.

En 2021, notre étude montrait que 30 % 145 échantillons de caviar analysés - issus de Bulgarie, Serbie, Roumanie et Ukraine - étaient illégales. 27 échantillons (19 %) provenaient d'esturgeons sauvages, et 17 étaient du caviar vendu en violation des règles de la CITES.

Pourquoi ? Le caviar est compact, facile à dissimuler et extrêmement précieux : cela facilite son commerce illégal. En plus, les consommateurs restent en demande de caviar sauvage, considéré comme « supérieur » au caviar d'élevage.

Comme si cela ne suffisait pas, ces poissons préhistoriques sont aussi capturés accidentellement - dans les filets visant à capturer d’autres espèces telles que l'alose, la carpe ou le sprat. Ils ne sont souvent ni relâchés ni signalés, et ce malgré les exigences légales.

Sturgeon

En action pour le Danube et ses dinosaures

Vous l’aurez compris, les menaces qui accablent cet ancêtre ne manquent pas. Mais au WWF, sa survie est une priorité. C’est pour cela que nos projets pour protéger ce poisson, certes moins mignon qu’un panda, mais d’importance capitale pour son milieu, se multiplient.

En Bulgarie, en Hongrie et en Roumanie notamment, nous luttons contre l’extraction de sable, mettons en place des solutions « vertes » contre les inondations et préservons l’écoulement encore libre des petites rivières vierges.

Contre le braconnage, nous cherchons à impliquer activement les pêcheurs dans la conservation des esturgeons, et plaidons pour un renforcement des réglementation et de la traçabilité du caviar.

Enfin, nous avons pour projet dans les années à venir de libérer 900 000 juvéniles de trois espèces d'esturgeons migrateurs dans le Bas-Danube. En effet, le nombre d’esturgeons restants dans le Danube n’est pas suffisant pour garantir le rétablissement durable de leurs populations. Afin de les sauver de l'extinction, Ces juvéniles seront issus de l'élevage en captivité : le but est de sécuriser leur patrimoine génétique pendant leur captivité, et de libérer des petits aptes à survivre dans la nature.

Une loi européenne pour restaurer 20 % de nature d’ici à 2030

Nos projets sur le terrain doivent s’accompagner de lois fortes et transnationales. Un premier signe encourageant, en septembre 2021 : l’UNESCO a déclaré la zone transfrontalière Mur-Drave-Danube « réserve de biosphère », protégeant ainsi près d’un million d’hectares.

Un bon début, mais encore insuffisant. C’est pourquoi plus de 150 organisations non-gouvernementales, dont le WWF, exigent une ambition plus forte pour la loi européenne sur la restauration de la nature, actuellement dans la phase finale de préparation par la Commission européenne. Notre objectif est clair : pour 2030, restaurer au moins 20 % de terres, rivières et mers de l’Union européenne.

Cette loi offre une occasion unique pour faire face aux crises du climat et de la biodiversité.

Appuyez nos demandes en signant la pétition !

Je signe pour une meilleure restauration de la nature