L’odyssée invisible des tortues marines

L’odyssée invisible des tortues marines

Depuis plus de cent millions d’années, les tortues marines sillonnent l’océan avec une constance admirable. Mais aujourd’hui, elles sont en danger. Le projet Blue Corridors for Turtles, coordonné par le WWF, veut percer les secrets de leurs grandes migrations pour mieux les protéger.

Avec les milliers de kilomètres qu’elles parcourent discrètement, instinctivement, et depuis des millénaires, les tortues marines font partie des espèces les plus énigmatiques qui existent. Déjà du temps des iguanodons, mosasaures et autres ichtyosaures, les tortues marines sillonnaient l’océan de leur force tranquille. Depuis leur apparition pendant le crétacé inférieur, il y a 112 millions d’années, elles ont connu tous les soubresauts climatiques possibles. Mais rien, ni les périodes de glaciation, ni les météorites ravageuses, ni enfin les millénaires arides et étouffants, ne sont venus à bout de leur incroyable capacité d’adaptation.

Pourtant, en à peine plus d’un demi-siècle, l’humain est parvenu à exercer une telle pression sur elles que six des sept espèces de tortues marines sont aujourd’hui menacées d’extinction – la situation de la septième étant inconnue. Pêche accidentelle, braconnage, pollution, changement climatique : les menaces se multiplient, alors que ces reptiles marins traversent les eaux de plus de 50 pays. Sans action rapide et coordonnée, le destin de ces grandes migratrices pourrait basculer irrémédiablement.

C’est précisément ce que nous voulons éviter. Le WWF agit à plusieurs niveaux pour les aider à prospérer à nouveau. Le projet Blue Corridors for Turtles repose sur un travail scientifique et collaboratif de grande ampleur : en associant scientifiques, ONG, gouvernements et communautés locales, il vise à combler les lacunes actuelles sur les déplacements et l’origine des tortues, afin d’agir de façon plus stratégique.

Rassembler les pièces d’un immense puzzle

Malgré leur discrétion à toute épreuve, les reptiles mystérieux n’ont jamais cessé d’intriguer les scientifiques. Les recherches prennent du temps, et ne dévoilent souvent qu’une partie des nombreux mystères qu’elles renferment. Et, si l’on continuait à ne pas se préoccuper d’elles, elles pourraient bien les emporter dans leur disparition.

Depuis des années, des données existent pourtant : des tortues équipées de balises GPS, des observations de ponte par des communautés locales, le comptage de nids par des ONGs,des analyses génétiques... Mais jusqu’à aujourd’hui, ces informations sont restées éparses. Les réunir enfin au sein d’une base globale pourrait bien changer la donne.

LPR24

C’est sur ce constat qu’est née l’initiative Blue Corridors for Turtles. Pour la première fois, données de déplacement et données génétiques seront croisées à grande échelle, afin d’identifier les Important Marine Turtle Areas – les zones clés à protéger en priorité. Une avancée majeure pour comprendre les itinéraires migratoires des tortues, mais aussi pour mettre en place des mesures de conservation à l’échelle transfrontalière.

Ce que l’on sait déjà de leur incroyable voyage

Ces reptiles millénaires naissent en sachant instinctivement la migration qui les attend. Après la première épreuve de traversée de la plage où elles sont nées, les petites survivantes - mâles et femelles, entreprennent leur premier et plus dangereux long voyage.

Les premiers jours sont les plus critiques : c’est ce qu’on appelle la « nage frénétique ». Pendant une dizaine de jours, elles avancent sans relâche pour s’éloigner des côtes, où leurs prédateurs sont plus nombreux qu’en haute mer. Une fois arrivées au large, elles se laissent dériver le long des courants marins pendant plusieurs années : ce sont les fameuses « années fantômes ». Comme leur nom l’indique, cette période renferme encore bon nombre de mystères pour nos scientifiques. Toujours est-il qu’elles parcourent alors des centaines, voire des milliers de kilomètres – les plus longues distances enregistrées à ce jour dépassent les 20 000 kilomètres !

Une fois plus grandes et plus robustes, elles rejoignent les côtes, à la recherche de zones nourricières riches et sûres : herbiers, mangroves, récifs… Puis, une fois atteint l’âge de la maturité sexuelle – entre 15 et 30 ans pour les femelles –, elles partent en pèlerinage vers l’exacte plage où elles sont nées, se repérant grâce à leur incroyable « GPS naturel intégré » - qui repose sur une capacité fascinante à détecter les variations du champ magnétique terrestre.

C’est là qu’elles retournent donc pour pondre leurs œufs à leur tour. Un cycle ancestral qui relie les générations… et que nous devons tout faire pour préserver.

Pour soutenir ce projet ambitieux, adoptez symboliquement une tortue !