Les objectifs de biodiversité ne pourront être atteints sans une inclusion pleine et entière des peuples autochtones et des communautés locales

Les objectifs de biodiversité ne pourront être atteints sans une inclusion pleine et entière des peuples autochtones et des communautés locales

Cet automne, les dirigeants du monde entier doivent prendre des décisions essentielles pour relever les défis du climat, de la nature et du développement durable. Un nouveau rapport approfondi, rédigé par les expert.es du WWF, en collaboration avec d’autres organisations environnementales, des représentants des populations autochtones et des organisations de défense des droits humains, révèle que les objectifs mondiaux de biodiversité ne pourraient être atteints sans l’implication des peuples autochtones et des communautés locales (‘Indigenous Peoples and Local Communities’, IPLC) dont les territoires occupent au moins 32 % de la surface terrestre. Cette analyse parait alors que nous recevons de plus en plus de rapports concernant les attaques croissantes contre les peuples autochtones au Brésil.

Les territoires des peuples autochtones et des communautés locales (IPLC) représentent près d’un tiers de la surface terrestre et couvrent au moins 36 % des habitats les plus importants pour la biodiversité à l’échelle mondiale. Ces régions sont capitales pour la pérennité de la biodiversité, qui est elle-même indispensable à notre vie sur cette planète. En effet, ces écosystèmes ne fournissent pas seulement des ressources vitales aux populations locales, ils sont également essentiels pour nous tous, parce qu’ils assurent la capture et le stockage de gaz à effets de serre, la production d’oxygène, le contrôle des virus qui circulent dans la nature, pour ne citer que quelques-uns des services écosystémiques rendus.

La quasi-totalité des terres des IPLC sont correctement gérées

Cette première analyse spatiale à grande échelle identifiant les régions des IPLC démontre que l’état écologique des paysages et des territoires des populations autochtones et communautés locales est bon ou acceptable à 91 %. Cependant, ces mêmes régions subissent une pression élevée due à la déforestation, à la conversion agricole, à d’autres projets de développement non durables et au changement climatique.

Depuis des générations, ces territoires sont protégés et conservés par les communautés qui vivent dans ces zones ou à leurs abords. Ce rôle, aussi inestimable que sous-estimé, est mis en lumière par ce rapport : les peuples autochtones et communautés locales contribuent de manière prépondérante à la conservation de la nature à travers le monde.

Les écosystèmes sont d’une importance cruciale dans nos habitats historiques. À travers nos connaissances et notre sagesse traditionnelles, qui inspirent nos techniques de pâturage, la gestion de l’eau, l’usage de pierres à sel, le déplacement du bétail et des animaux dans la nature, les interactions sociales et l’utilisation des écosystèmes sont profondément liées aux moyens de subsistance des éleveurs indigènes. Notre modèle pastoral est inséparable de notre environnement naturel. Notre rôle est donc de maintenir une écologie saine, car notre survie en dépend.

La coopération paie

Les programmes de conservation de la nature ne peuvent réussir que s’ils sont portés par les populations locales. Grâce à la connaissance du terrain et une compréhension de la relation qui unit les communautés humaines et la nature, nous parvenons à une gestion durable de la nature. Le WWF-Belgique coopère lui aussi avec les habitants dans les projets qu’il finance. Ainsi, en 2019, le WWF a aidé la communauté Quechua du nord de l’Équateur à obtenir une certification biologique pour son cacao, ce qui apporte une garantie supplémentaire de protection pour la forêt et une source de revenus complémentaire importante pour le village. Toujours en 2019, dans la région de Mai-Ndombe en République démocratique du Congo, qui est célèbre pour sa population de bonobos, 30.000 hectares de forêt ont été légalement protégés sous le statut de « forêt communautaire ». Des femmes issues des communautés locales ont suivi des cours d’alphabétisation et une formation de guide touristique pour accompagner des visites d’observation des oiseaux.

Notre but est de faire en sorte que les humains et la nature prospèrent harmonieusement. Parmi nos projets, nous avons mené des actions de protection de la nature en coopération avec les populations locales partout dans le monde. Les efforts de protection de l’environnement ne sont durables que s’ils sont vraiment inclusifs. Ce rapport montre clairement que coopérer est plus que jamais nécessaire pour protéger la biodiversité sur le long terme. Notre propre survie en dépend.

Un quart des terres des IPCL est sous pression

Alors que tous les yeux se tournent vers les négociations qui devront définir, dans quelques mois, un nouveau cadre mondial pour la sauvegarde de la biodiversité (Convention internationale sur la diversité biologique, prévue en octobre 2021), ce rapport souligne combien il est crucial pour la conservation de la nature de reconnaître et de soutenir les peuples autochtones et les communautés locales dans la préservation, la défense et la restauration de leur environnement. Le rapport insiste sur le fait que plus d’un quart des territoires des IPLC sera confronté à une pression de développement élevée à l’avenir.

Les peuples autochtones et les communautés locales sont également de plus en plus sous pression. Pour ne citer qu’un exemple récent, le 26 mai dernier, des orpailleurs ont pris d’assaut un village de la communauté Munduruku au Brésil. Plusieurs habitations ont été incendiées et les habitant·es menacé·es. Un village Yamomani avait également été attaqué dix jours plus tôt. La vague d’attaques contre les populations autochtones s’intensifie alors que le président Jair Bolsonaro s’est déclaré favorable à l’exploitation minière dans les territoires autochtones, et que le démantèlement des agences environnementales a affaibli les actions d’inspection. Parallèlement, une loi (n°490) qui autoriserait des activités telles que l'exploitation minière, la construction de routes et de centrales hydroélectriques dans les territoires autochtones est actuellement sur la table du parlement brésilien. Cela constituerait indéniablement une évolution dramatique de la situation.

Tous les efforts déployés pour la conservation de la nature dépendent pourtant de l’implication et du leadership des IPLC. C’est le cas notamment de l’appel lancé pour la protection et la conservation d’au moins 30 % des terres, des écosystèmes d’eaux douce et de l’océan à travers le monde, à l’horizon 2030. Cet objectif ne peut être envisagé sans la coopération pleine et entière des peuples autochtones et des communautés locales.

La superficie des territoires protégés peut augmenter considérablement

Selon le rapport, avec la juste reconnaissance de leurs droits sur la terre et les territoires et un soutien aux systèmes de gouvernance des IPLC, les régions concernées identifiées en Équateur pourraient, après approbation par les PICL, voir leur superficie doubler, passant de 22 % à environ 44 %. Aux Philippines, les régions protégées ou conservées peuvent, après un processus approprié similaire, augmenter de 16 % à 27 % d’après les estimations.

« Les peuples indigènes apportent une connaissance, une expérience et un accompagnement essentiels dans les efforts de conservation. Nous devons être présents et notre voix doit être entendue et reconnue à sa juste valeur dans le cadre des négociations internationales », dit Minnie Degawan, directrice de l’Indigenous and Traditional Peoples Program auprès de Conservation International, et membre du groupe indigène Kankanaey-Igorot aux Philippines. « Nos idées et notre expertise sont ancrées dans une relation ancestrale avec la nature et cette étude illustre l’importance de la coopération. Il y a une occasion extraordinaire pour les gouvernements, les ONG et les autres acteurs, de collaborer avec les IPLC à un objectif commun en vue de protéger et préserver la biodiversité sur Terre. »

Le rapport appelle les décideurs à veiller à ce que les droits des IPLC sur les terres, les eaux intérieures et les ressources soient reconnus et formalisés, et que ces populations reçoivent un soutien approprié, y compris financier, pour leur contribution à la conservation de la nature. Les formes que doivent prendre cette reconnaissance et ce soutien doivent être définies et choisies par les communautés elles-mêmes. Le rapport propose aussi que plus de recherches communes soient menées avec les IPLC, notamment pour le contrôle de l’application effective du cadre mondial pour la biodiversité après 2020.

Découvrez Des histoires concrètes sur la façon dont nous travaillons avec les communautés locales sur le terrain.

Rapport sur les terres et territoires des peuples indigènes et communautés locales (EN)