La vie tortueuse de la tortue luth au Suriname

La vie tortueuse de la tortue luth au Suriname

La tortue luth est la plus grande et lourde des tortues du monde. Mais ses 500 kg ne l’empêchent pas de souffrir de nombreuses menaces… Et d'être poussée dangereusement vers l’extinction. Une fin tragique que le WWF n’est pas prêt à accepter. Au Suriname, deux projets apportent une lueur d’espoir à cette espèce fascinante qui peuple l’océan.

En ce moment, entre mars et juin, c’est la saison de ponte des tortues luths. Et les plages du Suriname, en Amérique du Sud, font partie de leurs destinations de ponte. Un spectacle fabuleux, qui s’accompagne d’une lourde responsabilité. En effet, chaque œuf de tortue luth est un message d’espoir pour l’espèce. Car les choses vont mal pour la tortue luth : elle est en danger critique d’extinction.

Au Suriname, seulement 302 nids ont été recensés en 2019. Cela représente un déclin dramatique de 97,7 % en seulement 18 ans. Mais tout espoir n’est pas perdu !

La tortue luth, un reptile hors du commun

D’abord, sachez cela : la tortue luth est une espèce absolument unique en son genre. Si vous ne la connaissez pas encore, vous allez l’adorer.

Ce gigantesque reptile, qui vit plus de 50 ans, qui pèse environ 500 kg et mesure 1,8 m à l’âge adulte, vit un peu partout sur la planète, et nidifie dans les eaux tropicales. Et ce, depuis une éternité : les tortues de mer sont les plus anciens reptiles encore vivants. Elles peuplent notre Terre depuis 225 millions d’années !

La tortue luth est aussi celle qui voyage le plus loin. « Elle peut voyager sur des milliers de kilomètres entre les zones de recherche de nourriture et les zones de ponte. Celles qui pondent ici remontent souvent jusqu’au Canada jusqu’à leur retour, vers le mois de mars. », explique Soraya Wijntuin, en charge de la conservation des espèces marines pour WWF-Guianas.

Enfin, elle a une autre particularité : sa carapace, au contraire des autres tortues, n’est pas dure. C’est une couche de peau particulièrement épaisse qui recouvre son dos, et lui donne un aspect de cuir. D’où son nom anglais : « leatherback turtle » (tortue au dos de cuir).

Des menaces de plus en plus pressantes pour la tortue luth

Partout où elles vivent, les tortues luth souffrent des filets de pêche qui les noient, de la pollution plastique qui les étouffe, et de l’érosion des plages. « Les tortues luth ont la particularité de venir pondre toujours sur la même plage. Et peu importe si la plage rétrécit. C’est pour cela aussi que les constructions d’hôtels sur les plages, ça peut avoir des conséquences dramatiques pour les populations de tortue luth. », explique Soraya Wijntuin.

Comme si cela ne suffisait pas, le Suriname doit faire face à une menace supplémentaire… Celle du braconnage.

Braconnage des oeufs de tortues luth

L'oeuf de tortue est considéré dans le pays comme un mets délicat. Pourtant, le commerce est illégal dans le pays depuis longtemps. Mais, jusqu’il y a peu, les braconniers s’en donnaient à cœur joie pour faire circuler œufs et viande sur le marché noir local. Sans réelles conséquences judiciaires. Mais ça, c’était avant.

« Les choses commencent à changer. Depuis octobre 2021, déjà 15 personnes ont été emprisonnées pour possession d'œufs de tortue de mer. C’est un grand pas en avant, parce que ça a un effet dissuasif sur ceux qui seraient tentés de les imiter. », explique Soraya Wijntuin.

Soraya gère notamment le projet de protection des tortues marines au Suriname. Face à l’urgence de la situation, le WWF a initié deux projets prometteurs. Grâce à cela, Soraya garde espoir. « Nos projets sont très encourageants. D’un côté, on travaille sur un plan d’action commun transnational, pour gérer stratégiquement la conservation de la tortue en Amérique du Sud. Ensuite, sur le terrain, on étudie les tendances. Et on travaille à leur protection et à la sensibilisation de la population depuis le plus jeune âge. La collaboration avec les communautés locales est très positive. », se réjouit-elle.

Communautés locales, protecteurs des œufs de tortue de luth

Pour protéger les tortues, et particulièrement leurs nids, le WWF s’est adressé aux communautés locales qui vivent près des plages. Ce sont désormais elles qui ont la charge de la sécurité des nids. Un pari gagnant !

En effet, c’est un win-win-win : les communautés locales apprennent à mieux repérer la présence des tortues et de leurs nids, et donc améliorent leur offre écotouristique. En parallèle, ils assurent la survie des tortues en faisant barrage aux braconniers. Enfin, « ils peuvent encore consommer les œufs qui sont condamnés, c’est-à-dire ceux qui se trouvent en dessous du niveau de la mer. C’est une consommation locale uniquement, donc interdit d’en faire du commerce. », précise Soraya. Le tout, en obtenant une source alternative de revenus.

Cette connaissance accrue de l’espèce, les membres de la communauté la transmettent ensuite aux prochaines générations. Et le WWF fait de même : l’équipe de Soraya prend très au sérieux la sensibilisation des enfants des écoles côtières. Ils apprennent l’incroyable vie des tortues luth, mais aussi à quel point leur avenir est fragile : continuer à manger leur viande ou leurs œufs peut participer à les faire disparaître à jamais.

tortue

Écotourisme des tortues : les bonnes pratiques

Le dernier échelon de leur protection via la sensibilisation, c’est évidemment tout ce qui touche au tourisme. L’idée est d’insuffler les bonnes pratiques, qui jusqu’ici n’étaient pas toujours d’application : visites en trop grands groupes, de trop près, etc. Toutes des perturbations qui peuvent fortement influencer le taux de survie des tortues luth.

En attaquant le problème par plusieurs fronts à la fois, le WWF espère bientôt voir les chiffres dramatiques de ces dernières années remonter. Et ainsi, assurer un avenir durable à la tortue luth, mais pas seulement. D’autres espèces, comme la tortue olivâtre, partagent son habitat et profitent ainsi de la protection mise en place.

Soraya Wijntuin
Soraya Wijntuin
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