Des jaguars reviennent chez eux après les feux de forêt
Des jaguars reviennent chez eux après les feux de forêt
Quand des feux de forêt d’une ampleur inédite ont dévasté la région de Monte Verde, en Bolivie, les communautés locales croyaient tous leurs efforts de conservation réduits en cendre. Mais récemment, une caméras de surveillance placée dans un endroit touché par les flammes a filmé une femelle jaguar familière… suivie de ses deux petits. Preuve que les feux n’ont pas tout détruit, et qu’après le désastre, la nature renaît petit à petit.
En 2022, cinq communautés au cœur du territoire indigène de Monte Verde (Bolivie), se sont lancés dans un projet ambitieux : celui de suivre la population de jaguars dans leur forêt. Avec l’aide du WWF, les membres de ces communautés ont notamment installé des caméras de surveillance loin des routes et chemins. Ils ont suivi les traces des félins emblématiques jusqu’à leurs lieux de repos et leurs sources d’eau. Les attentes étaient élevées… Mais les résultats les ont dépassées. Sur les 25 000 hectares de forêt surveillés, ils ont découvert l’une des plus grande densité de jaguars jamais enregistrée en Amérique du Sud !
Pas moins de 25 jaguars ont été identifiés grâce à leurs rosettes, qui fonctionnent exactement comme un code-barre : chacun a un motif unique. Neuf d’entre eux ont même eu droit à un prénom : Carmen, Tina, Paulino, Vianca, Ribera, Mauri, Maria, Katy et Ceci. Pour beaucoup d’habitant·es, ce projet a permis d’établir un contact inédit cet animal emblématique.

Le WWF a aussi travaillé dans et avec les écoles pour sensibiliser la jeune génération à l’importance de conserver la nature, et ne pas craindre d’emblée la présence du félin. « Grâce aux caméras de surveillance, on a par exemple pu montrer que quand des humains sortent de la forêt, ils sont parfois suivis 15 minutes après par un jaguar. Preuve qu’il ne considère pas les humains comme des proies », illustrait Jordi Surkin, directeur de conservation au WWF-Bolivie. Dans les villages, ils ont aussi mis en place des mesures de protection pour protéger le bétail, plus vulnérables aux attaques du jaguar.


Le projet allait bon train. Mais tout ça, c’était avant les feux de forêt.
Forêt détruite, projets mis à mal
Chaque année, les feux de forêt en Amérique du Sud, toujours plus violents, plus longs et plus difficiles à maîtriser à cause du changement climatique, défraient la chronique. Ce qui ne fait pas la une de l’actualité, par contre, c’est l’après. Quand tout est détruit : maisons, forêt, projets, santé, espoirs. Mais que malgré la situation, il faut avancer, reconstruire, sans jamais baisser les bras.
À l’été 2024, alors que le projet était florissant, l’euphorie s’est vue brutalement interrompue. Sans avertissement, des feux de forêt d’une ampleur inédite ont dévasté leur région. L’équivalent de près de sept fois la superficie belge a été touchée par les flammes… Altérant non seulement le paysage, mais aussi l’équilibre délicat de l’écosystème local, ainsi que toute la gestion forestière des communautés locale, mis en place au prix de grands efforts commun. Les feux de forêt ont aussi détruit une grande partie de leurs moyens de subsistance, liés aux produits issus de la forêt.

La catastrophe dura de longs jours, jusqu’à ce qu’enfin, la pluie les délivre.
Rebondir inévitablement
Les incendies de forêt dévastateurs ont anéanti les plans de gestion des forêts communautaires et gravement affecté la biodiversité. Rapidement cependant, il leur fallait agir face à ce nouveau défi : renaître de leurs cendres, et rester malgré tout engagé dans la protection des moyens de subsistance et de la faune. Avec un nouveau sentiment d'urgence, et en collaboration avec le WWF-Bolivie, les communautés ont décidé de reprendre presqu’aussitôt la surveillance des espèces. Car comment autrement répondre aux questions brûlantes : que reste-t-il après la catastrophe ? Quelles espèces ont survécu ? Les jaguars pourront-ils se remettre de la catastrophe ?

« Pour les communautés et pour nous, ce suivi est extrêmement important car nous conservons à la fois le jaguar et la faune dans le cadre de leur plan de gestion forestière. Il était donc essentiel d'effectuer à nouveau ce suivi pour évaluer ce qui s'est passé après les incendies. (…) Le but étant de déterminer quelles actions supplémentaires nous pouvons mettre en œuvre à l'avenir, en particulier en ce qui concerne la restauration de la forêt », expliquait Tomas Cuasace, responsable du WWF-Bolivie sur le terrain.
Le retour de Vianca et ses petits : des résultats qui donnent espoir
La surveillance a confirmé la présence d'une étonnante diversité de mammifères à Madrecita et Palmarito : pumas, ocelots, tapirs, tatous, renards… et jaguars ! C’est ainsi que la femelle jaguar Vianca, bien connue des communautés, ainsi que ses deux petits, sont passés chacun leur tour devant les caméras. Malgré l'impact dévastateur de la récente saison des incendies, ces données envoient un message fort : la vie persiste. La forêt et sa faune font preuve d'une extraordinaire résilience, luttant pour se rétablir. Elles nous rappellent au passage que, grâce aux efforts de conservation, il est encore possible de redonner à l'écosystème toute sa vitalité.
Video de Vianca et ses deux petits en juin 2024, avant les feux
Vidéo d’un des jeunes de Vianca en novembre 2024, après les feux
Les forêts et les jaguars sont un élément essentiel de l'identité des communautés de Chiquitanía. Ces forêts n'abritent pas seulement une riche variété d'animaux sauvages, mais représentent également l'héritage culturel et naturel de ses habitants.
Ce n'est que par des actions concrètes et concertées que nous pourrons éviter de nouvelles tragédies et garantir l'équilibre entre les communautés, la biodiversité et l'environnement naturel.
« Pour nous, ces jaguars font partie de notre communauté et nous sommes déterminés à continuer à les conserver, ainsi que nos forêts, non seulement dans l'intérêt de notre peuple, mais aussi dans celui du monde entier. Nous voulons démontrer que la conservation n'est pas quelque chose d'exclusif à notre communauté ; elle peut se faire n'importe où, tant qu'il y a la volonté et l'engagement de le faire », a conclu Mauricio Tomichá Vaca Diez, président de l’organisation communautaire indigène de Palmarito de la Frontera.
Si vous voulez soutenir durablement ce projet à votre échelle, vous pouvez adopter symboliquement un jaguar.