Comment les importations dans l’UE menacent les orangs-outans, les panthères et les tamanoirs

Comment les importations dans l’UE menacent les orangs-outans, les panthères et les tamanoirs

Par ses importations de soja, de bœuf, de blé, de bois et d’huile, l’UE est en partie responsable de la destruction des forêts dans le monde, mais pas seulement : savanes, mangroves, prairies et tourbières disparaissent aussi à une vitesse alarmante… Et sont souvent passées sous silence. Pourtant, ces paysages sont cruciaux pour la survie de nombreuses espèces animales déjà menacées d’extinction. Ils le sont aussi pour notre avenir à toutes et tous, par exemple pour lutter contre le changement climatique et les sécheresses.

L’Union européenne est le deuxième plus grand importateur de matières premières liées à la déforestation, après la Chine. Mais l’UE importe également d’importants volumes de produits provenant d’écosystèmes naturels non forestiers, en Indonésie, au Brésil ou encore aux Etats-Unis. Et donc, elle a une importante responsabilité dans leur protection. C’est ce nous démontrons dans un nouveau rapport, « Savanes, prairies, mangroves : les grandes sacrifiées de l’UE ». Savanes, mangroves, tourbières, prairies… Ces paysages jouent un rôle essentiel dans le stockage du carbone et constituent les derniers bastions pour d’espèces animales menacées d’extinction.  

Une destruction plus rapide que celle de la forêt Amazonienne 

Parmi ces précieux paysages, il y a la savane, qu’on associe souvent au continent africain. La savane tropicale du Cerrado s’étend pourtant sur plus d’un cinquième du territoire du Brésil et abrite près de 5 % de la totalité des espèces dans le monde.  Sa destruction est encore plus rapide que celle de la forêt Amazonienne. Et elle s’accélère ces derniers mois : entre août 2020 et juillet 2021, le Cerrado a perdu 8 531 km², soit l’équivalent de la moitié de la Wallonie. Un record depuis 2016.  

En  2019, nous importions 70 000 tonnes de bœuf provenant du Cerrado en Europe et 14 % de nos importations directes de soja dans l’UE venaient du Cerrado.  L’extension de la production agricole dans cette région menace directement les centaines d’espèces qu’elle abrite… dont 75 en danger critique d’extinction.  

Du soja qui se retrouve indirectement dans nos assiettes  

La culture du soja est l’un des principaux moteurs de la conversion du Chaco argentin (un mélange de savane et de prairies), et l’Union européenne y contribue directement : près d’un quart des exportations totales de soja de cette écorégion atterrissent chez nous.  

Ce soja, nous le consommons indirectement : il sert à nourrir nos volailles, nos porcs ou encore nos vaches laitières. Cette forte demande met le Chaco en péril, alors qu’il abrite environ 500 espèces d’oiseaux, 150 espèces de mammifères, 120 espèces de reptiles, ainsi que 100 espèces d’amphibiens. Nombre d’entre elles dépendent de la végétation ouverte des savanes et des prairies, comme le jaguar ou le tamanoir (aussi appelé fourmilier géant).   

L’habitat de primates grignoté par la production d’huile de palme ou de crevettes

Tout le monde connait l’orang-outan, une espèce également menacée, mais moins son habitat. Les tourbières du Kalimantan, la partie indonésienne de l’île de Bornéo, représentent toutefois 4,8 millions d’hectares, soit 1,5 fois la taille de la Belgique.  Elles abritent une forte proportion d’espèces menacées, comme la panthère nébuleuse. Mais ces tourbières – des zones humides importantes pour le stockage du et du carbone au niveau mondial – sont converties à une vitesse alarmante. Il en est de même que celles de l’île de Sumatra, dernier bastion pour son tigre et son rhinocéros endémiques, notamment pour nous fournir de l’huile de palme.   

Sur les côtes du Kalimantan, les mangroves sont sujettes à la conversion, cette fois au profit de la production de crevettes. L’Indonésie est responsable d’environ 8 % de la production mondiale de crevettes et l’UE à elle seule représente environ 6 % des exportations totales du pays. Ces mangroves constituent pourtant un habitat majeur pour beaucoup d’espèces comme les nasiques ; elles sont très précieuses pour la protection des côtes et les refuges de reproduction des poissons ; et elles constituent par ailleurs un réservoir de carbone extrêmement important.

Un éléphant d'Asie arrive sur une plantation d'huile de palme

Ce qui est mauvais pour les espèces l’est aussi pour le climat

L’effondrement de ces habitats est dramatique pour de nombreuses espèces menacées, mais il l’est  tout autant pour le climat. La moitié des prairies et savanes du monde sont déjà perdues. 15 % des réserves mondiales de tourbières sont détruites ou dégradées et 35 % des mangroves ont disparu en seulement 20 ans.  Or, pour ne citer que deux exemples :  

  • Les prairies et savanes stockent approximativement la même quantité de carbone que les écosystèmes forestiers, soit 30 % du carbone terrestre.    
  • La destruction des tourbières est responsable de 5 % des émissions de gaz à effet de serre mondiales.   

La proposition de loi de l’UE ne va pas assez loin

L’UE joue un rôle manifeste dans la conversion de ces écosystèmes naturels en important des produits de qui sont issus de zones ayant fait l’objet ou étant menacées d’une conversion importante. Le 17 novembre dernier, après un an de campagne #Together4Forests intensive menée avec vous, la Commission européenne a dévoilé sa proposition de loi visant à minimiser l’impact de notre consommation sur la biodiversité mondiale. Elle s’attaque à la déforestation, mais retarde la potentielle protection d’autres écosystèmes comme les prairies et les savanes.  La Commission propose en effet d'évaluer s'il faut les inclure après la première révision de la loi, deux ans après son entrée en vigueur. Or, ce sera trop tard ! Ces écosystèmes disparaissent à un rythme alarmant.  

Plutôt que de risquer de déplacer simplement la production des zones forestières vers d'autres écosystèmes naturels précieux, l'UE doit inclure dès maintenant dans le champ d'application de sa législation tous les écosystèmes naturels menacés par la culture de matières premières « à risques » (soja, cacao, bœuf, huile de palme...).  

Nous allons donc continuer à mener campagne auprès de l’Union européenne pour nous assurer que cette loi soit aussi ambitieuse que possible.  

Dans le rapport « Savanes, prairies, mangroves : les grands sacrifiés de l’UE  », le WWF a mis en évidence, dans 9 biomes différents, les liens entre les chaînes d’approvisionnement de l’UE et la conversion, ainsi que les conséquences de cette conversion. 

Savanes, prairies, mangroves : les grands sacrifiés de l’UE

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