500 barrages démantelés en Europe l’an dernier : un record !

500 barrages démantelés en Europe l’an dernier : un record !

Bonne nouvelle pour la biodiversité des rivières et la résilience climatique : l’Europe a supprimé près de 500 barrages et autres obstacles obsolètes en 2023, soit 50 % de plus qu’en 2022. Un signal positif dans un contexte européen où la loi sur la restauration de la nature se trouve dans une impasse politique.

Conformément aux objectifs de biodiversité de l'UE, l'élan en faveur de la restauration des rivières par la suppression des barrages ne cesse de croître. 15 pays européens comptabilisent un total remarquable de 487 obstacles supprimés en 2023 - une augmentation de 49,8 % par rapport à 2022, elle-même déjà année record. Ces chiffrent sortent du nouveau rapport de Dam Removal Europe (DRE), une coalition de sept organisations (le WWF, The Rivers Trust, The Nature Conservancy, the European Rivers Network, Réseau, Rewilding Europe, Wetlands International et the World Fish Migration Foundation).

Ces initiatives ont conduit à la reconnexion de plus de 4 300 kilomètres de rivières. Les bienfaits ? Ils sont très nombreux, tant pour les humains que pour la nature et l’économie : améliorer la biodiversité, restaurer les écosystèmes, améliorer la sécurité en eau et la résilience climatique…

L'Espagne, qui avait été couronnée pionnière de la suppression des obstacles pendant deux années consécutives, a été détrônée par la France et occupe désormais la deuxième place, suivie de la Suède et du Danemark. La Belgique a participé à l’effort collectif avec la suppression d’un obstacle dans la Semois, afin d’améliorer l’habitat de la loutre.

Dams
Démolition du barrage de Kangaskoski, Hiitolanjoki, Finlande.

Les barrages vieillissants, avantage du passé, danger d’aujourd’hui et de demain

De l'ère mésopotamienne (-3 500 ACN) à l'ère moderne, les barrages ont permis d'énormes progrès. Ils ont aidés à produire de l'électricité, à stocker de l'eau et à gérer les risques d'inondation. Mais aujourd’hui, les rivières et fleuves du monde s’en trouvent saturés… Avec des conséquences majeures pour la biodiversité et les populations.

Pour la biodiversité, parce qu’entre autres, les grands barrages bloquent les migrations de poissons et le déplacement d’autres espèces aquatiques et terrestres. Cela perturbe leur cycle de reproduction et peut mener jusqu’à leur disparition. Pour les populations, parce que certains barrages ont été identifiés comme des « machines à noyer » potentielles, lorsqu’ils forment des courants sous-surface inévitablement forts.

En plus de cette menace, des tempêtes plus intenses et des inondations extrêmes dues au changement climatique augmentent également le risque d'effondrement des barrages, en particulier des barrages vieillissants - menaçant des vies et des biens. Avec des dizaines de milliers de barrages obsolètes dispersés à travers l'Europe, le potentiel de catastrophes représente un risque croissant pour les communautés en aval. Rien que l’an dernier, au moins trois barrages fluviaux se sont effondrés en raison de fortes pluies en Norvège, en Irlande du Nord et en Slovénie.

« Les barrages obsolètes n’ont plus d’autre fonction que de nuire à la rivière et ses habitants. Ils deviennent même des menaces, puisqu’ils ont été créés dans des contextes climatiques différents et risquent de s’effondrer en cas de météo extrême. Supprimer les barrages et laisser couler la rivière fait partie des stratégies de réensauvagement : en améliorant la connectivité, les processus naturels se rétablissent petit à petit et participent ainsi à restaurer l’écosystème. », souligne Céline de Caluwé, Program Manager au WWF-Belgique.

Aujourd'hui, de nombreux expert·es s'accordent donc pour dire que certains barrages ont fait leur temps : il est temps de les démanteler. Et malgré l'élan croissant derrière la suppression des barrages, le travail est loin d’être terminé : les rivières européennes sont fragmentées par plus de 1,2 million d'obstacles, dont plus de 150 000 sont obsolètes. « Une rivière qui ne coule pas librement est en train de mourir lentement. », précise Herman Wanningen, directeur du World Fish Migration Foundation.

Avant/après dams
Avant/après

L’impasse politique de la loi sur la restauration de la nature

Mais il n’y a pas que des bonnes nouvelles. La loi européenne sur la restauration de la nature se trouve actuellement dans une impasse. En effet, elle a échoué à la dernière étape : elle n'a pas réussi à obtenir suffisamment de votes au Conseil de l'Union européenne. La loi proposée inclut l'objectif crucial de la Stratégie de l'UE en matière de biodiversité visant à restaurer au moins 25 000 km de rivières par la suppression des barrages d'ici 2030.

« Les quelques pays de l'UE qui bloquent la loi sur la restauration de la nature mettent également en péril la résilience et la protection de nos rivières, ce qui finira par nous affecter négativement », a déclaré Claire Baffert, responsable des politiques Eau & Adaptation au changement climatique de l'UE au WWF. « À travers l'Europe, les rivières sont jonchées de barrages souvent obsolètes qui aggravent la santé des écosystèmes d'eau douce indispensables à la fourniture d'eau potable propre pour nous, à l'eau pour l'agriculture et à la biodiversité. La loi sur la restauration de la nature imposerait une obligation de restaurer les rivières à écoulement libre : nous exhortons les ministres de l'UE à approuver de toute urgence la loi pour que les rivières puissent fournir leurs services naturels pour nous et pour la nature. »

Semois Valley
Vallée de la Semois

Plusieurs projets importants à l’avenir

En regardant vers l'avenir, le mouvement européen de suppression des barrages ne montre heureusement aucun signe de ralentissement. De nombreux projets sont prévus pour 2024 grâce à un réseau croissant qui rassemble plus de 6 000 personnes.

La Croatie s'apprête à procéder à la suppression de huit barrages, dont des parties de vieux moulins et des vestiges d'anciennes infrastructures, à Plitvice en avril et mai, dans le but de restaurer le flux naturel de la rivière et la biodiversité. La Roumanie se prépare également à sa première suppression de barrage prévue pour mai, une démarche qui devrait améliorer la connectivité des rivières et la santé des écosystèmes. En Espagne, l'Agence catalane de l'eau prévoit de commencer la suppression de barrages à Colonia del Rio en juin, poursuivant ainsi son approche proactive en matière de restauration des rivières et de l'écologie dans le pays.

Rapport complet (en anglais)