105 000 jeunes tortues sauvées grâce à la communauté indigène Cofán en Équateur
105 000 jeunes tortues sauvées grâce à la communauté indigène Cofán en Équateur
Depuis près de trois décennies, la communauté indigène Cofán de Zábalo, située dans la Réserve de Cuyabeno en Équateur, mène un projet remarquable de conservation des tortues de rivière. Grâce à leurs efforts et au soutien d’organisations, dont le WWF, plus de 105 000 jeunes tortues de l’Amazone à taches jaunes ont été protégées.
Tous les matins avant l’aube, entre août et janvier, de petits groupes formés à prendre soin des tortues de l’Amazone à taches jaunes (Podocnemis unifilis) se rendent sur les plages. Ils parcourent les zones assignées, à la recherche de traces de nos reptiles qui seraient venus pondre leurs œufs dans le sable.
« Le sable est légèrement différent là où une tortue a pondu », explique Felipe Borman, originaire de Zábalo et membre de la Fondation Survie Cofán (FSC), une organisation dédiée à la conservation de la culture de ce peuple indigène et de la forêt tropicale qu'il habite. Après l’état des lieux, ils décident de façon éclairée si le nid sera protégé dans le cadre du projet, ou s’il sera consommé. En effet, la consommation d’œufs de tortue fait partie des sources de protéines les plus importantes de la région. Mais aujourd’hui, plus question de s’emparer de tout. La décision est prise selon le nombre de nids trouvés et la quantité de nourriture disponible pour les membres de la communauté. Ils n’en récoltent en tout cas pas plus de la moitié. L’autre est méticuleusement protégée.
Les nids préservés sont ensuite assignés à une personne en charge. Ainsi commence la sauvegarde effective de ces œufs précieux. Les efforts sont enregistrés, ce qui permet un suivi à long terme et à large échelle.
Cette façon de procéder a déjà fait ses preuves. Le projet atteint en effet un taux de succès de 81 % dans les éclosions (succès souligné par un article scientifique datant de fin 2023 dans le magazine Revista Latinoamericana de Herpetología). Nous sommes aussi passés de 180 nids comptabilisés par an (pendant la période de ponte, entre août et janvier) à la fin des années 1980 à plus de 1 000 aujourd’hui. En tout, nous comptons 105 174 bébés éclos !
La tortue de l’Amazone à taches jaunes fait partie des reptiles qui habitent le bassin de l’Amazone et d’autres régions continentales. L’adulte, qui pèse jusque huit kilogrammes, est reconnaissable aux taches jaunes qu’il porte sur la tête.
Une réponse à une crise de conservation
À la fin des années 1980, la communauté Cofán de Zábalo, en Équateur, a pris conscience de la chute dramatique des populations de tortues de rivière. Les tortues d'eau douce, qui, abondantes, avaient historiquement nourri les peuples autochtones, disparaissaient. « Nous n'avons pas de chiffres exacts sur comment c'était avant, mais les anciens racontent qu'il y avait beaucoup de de l’Amazone à taches jaunes à l’époque et que, si vous descendiez l'Aguarico, les tortues étaient là, aussi nombreuses que des pierres », raconte Felipe Borman. Mais la chasse excessives et la collecte des œufs, pas seulement pour les communautés locales mais pour alimenter tout un trafic sur le continent, ont mené les populations au bord de l’extinction : une catastrophe pour tout son milieu naturel. « Les tortues de l’Amazone à taches jaunes sont indispensables à leur écosystème, car elles aident à maintenir l'équilibre des écosystèmes aquatiques, à disperser les graines, à recycler les nutriments en remuant le fond des rivières pour s'y enterrer et les berges des rivières pour y faire leurs nids. », explique Jessica Pacheco, chercheuse et responsable du Programme Forêts et Eau Douce du WWF.
En 1989, la communauté de Zábalo prend alors la première action de conservation : elle décide de cesser complètement la consommation de tortues et d'œufs. L’année qui suit ne montre aucune amélioration… Et pour cause : les communautés alentours ne se privaient pas, elles, de poursuivre leur consommation. Par ailleurs, les nombreux prédateurs ne permettait pas à l’espèce de se rétablir non plus.
Stratégies de conservation innovantes
Les Cofán de Zábalo ont donc constaté que la simple interdiction de la consommation ne suffisait pas. En 1991, ils ont commencé à déplacer les nids vers des plages plus élevées pour les protéger des inondations et des prédateurs. Ces actions ont rapidement porté leurs fruits, avec la libération de plus de 200 jeunes tortues dès les premiers essais. Le programme s'est progressivement développé, incluant la création de plages et de bassins artificiels pour élever les jeunes tortues.
Impacts et avenir
Le programme de gestion communautaire a non seulement permis de restaurer les populations locales de tortues de l’Amazone à taches jaunes, mais il a également inspiré des initiatives similaires dans d'autres régions de l'Amazonie équatorienne. Les méthodes de gestion et de protection des nids mises en œuvre à Zábalo sont devenues des modèles de conservation participative, prouvant que les communautés locales peuvent jouer un rôle central dans la protection de la biodiversité.
Vers une gestion durable
Le prochain objectif pour la communauté de Zábalo est de renforcer les avantages économiques dérivés de leurs efforts de conservation. Ils envisagent de développer un programme de biocommerce durable qui permettrait de vendre un pourcentage des tortues élevées, générant ainsi des revenus pour financer davantage les initiatives de conservation et soutenir les familles locales.
Le travail des Cofán est un exemple inspirant de comment des actions communautaires peuvent inverser les tendances de déclin des espèces et favoriser un avenir durable pour les générations à venir.
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