Un rapport du WWF-Italie illustre le lien entre pandémies et biodiversité

Un rapport du WWF-Italie illustre le lien entre pandémies et biodiversité

Avec le Covid-19, le monde est confronté à une crise sanitaire majeure, d’une ampleur mondiale, inédite et inattendue. Aujourd’hui, la priorité absolue est sanitaire, afin de limiter le nombre de vies humaines qui seront perdues. Nos pensées vont d’ailleurs à toutes les personnes qui se battent sur le front de cette pandémie ainsi qu’aux familles et aux proches des victimes. Demain, la priorité deviendra rapidement (elle l’est déjà) économique, pour éviter que cette pandémie soit suivie par une récession, voire une dépression qui pourrait aussi créer son lot de victimes et hypothéquer l’avenir d’une génération. Au-delà de ces priorités qui dans le court terme sont absolues, il nous faudra aussi à un moment donné réfléchir aux facteurs profonds qui favorisent l’apparition de ces épidémies. Et parmi ceux-ci, la destruction des écosystèmes et la surexploitation des ressources animales sont des facteurs importants de l’apparition de ces maladies. C’est ce que rappelle un rapport récemment publié par le WWF. 

 

WWF pandemi biodiversite biodiversiteit 02Chauves-souris en vente sur un marché dans les Célèbes, Indonésie 

La propagation du Covid-19 semble avoir son origine dans le grand marché aux animaux de Wuhan, dans la province chinoise de Hubei, avec un premier foyer apparu en décembre 2019. De nombreuses études soulignent les similitudes entre le Covid-19 et d’autres coronavirus similaires trouvés chez certaines espèces de chauves-souris. Selon des chercheurs de l’Université agricole de Chine du Sud, les pangolins auraient pu contribuer à la propagation du Covid-19, bien qu’à ce stade la correspondance entre les deux virus soit encore trop faible pour tirer des conclusions définitives. L’hypothèse reste toutefois sur la table étant donné que les pangolins sont extrêmement recherchés et font l’objet d’un commerce illégal massif, à tel point que la sous-espèce chinoise a vu sa population diminuer de 90% depuis 1960…

La transmission à l’homme d’un virus qui circule dans le monde animal est un phénomène de contagion connu et a déjà été observé dans le passé. Le virus du SRAS - qui, en 2002-2003, a causé plus de 800 décès et coûté plus de 80 milliards de dollars américains à l'échelle mondiale - est apparu chez les chauves-souris, s'est transmis aux civettes des palmiers et, finalement, a infecté des personnes sur les marchés d'animaux vivants du sud de la Chine. En 2012, un autre virus provenant aussi probablement des chauves-souris est passé chez les dromadaires avant de contaminer des hommes pour donner l’épidémie de MERS. Toutes ces maladies ou infections sont des zoonoses qui sont transmissibles des animaux vertébrés aux hommes et vice-versa. Et ces zoonoses sont très nombreuses, plus de 200 selon l’OMS. Citons entre autres : la rage, l’anthrax, le SRAS, le MERS, la fièvre jaune, le sida, Ebola, la dengue ou encore le Chikungunya. 

Ce que nous rappelle le rapport du WWF, c’est qu’il y a un lien entre la destruction des écosystèmes, le commerce des espèces sauvages et l’apparition et la propagation de ces zoonoses. La destruction des écosystèmes expose l’homme à de nouvelles formes de contact avec les microbes et avec les espèces sauvages qui les hébergent, tandis que le commerce des espèces sauvages augmente les contacts directs avec des animaux sauvages et exposent ainsi l’homme à des virus ou autres agents pathogènes dont l’animal peut être l’hôte. Enfin, la modification de l’équilibre des écosystèmes peut favoriser la migration des virus vers d’autres espèces ou leur mutation afin qu’ils puissent s’adapter aux nouvelles conditions et à leurs nouveaux hôtes. Comme l'écrit David Quammen, écrivain et journaliste scientifique américain : « Lorsque les arbres tombent et que les animaux sont abattus, les germes s'envolent comme la poussière d'un entrepôt démoli ».

Découvrir le rapport

Un exemple proche de nous est celui de la maladie de Lyme. En Amérique du Nord, la fragmentation de l’habitat et la perte de biodiversité qui en résulte ont accru la présence d’un groupe de bactéries causant la maladie de Lyme, transmise à l’homme par la morsure d’une tique infectée. D’ailleurs, selon des recherches récentes, le risque pour l’homme de contracter cette maladie est nettement plus élevé dans les zones où la diversité des animaux vertébrés est faible, comme les petites forêts et là où les habitats sont très fragmentés.

Selon le dernier rapport de l’IPBES, près de 16% des habitats terrestres et 66% des habitats humains ont été modifiés de manière significative. Selon le rapport "Planète vivante" du WWF, en un peu plus de 40 ans, l'abondance des populations de vertébrés dans le monde a diminué en moyenne de 60%. Or, comme l’illustre le rapport « Pandémies et biodiversité », le passage d’agents pathogènes, comme les virus, des animaux sauvages à l’homme est facilité par la destruction et la dégradation des écosystèmes dus à la pénétration de l’homme dans les dernières zones vierges de la planète et souvent au commerce illégal ou non contrôlé des espèces sauvages.

Une fois la crise sanitaire passée, une fois la crise économique maîtrisée, il deviendra donc urgent et prioritaire de renforcer la préservation des écosystèmes encore intacts, de protéger les zones vierges de la planète, de lutter efficacement contre le trafic illégal des espèces mais aussi de restaurer des écosystèmes endommagés.

Et ce problème ne concerne pas que les pays d’Asie ou d’Afrique. Un récent rapport commandé par le WWF et Traffic mettait en lumière le rôle de plaque tournante que joue encore la Belgique dans le trafic international et illégal des espèces sauvages. Ou encore, en décembre dernier, une étude du SPF Santé Publique concluait que 44 tonnes de viande de brousse arrivent ou transitent chaque année par Brussels Airport. Ceci alors que l’Union Européenne interdit la viande de brousse sur son territoire car elle peut contenir des agents pathogènes et présente potentiellement des risques pour la santé humaine. Il est donc urgent que la problématique soit aussi prise au sérieux dans les pays occidentaux. En effet, quelle crédibilité avons-nous à demander aux pays asiatiques ou africains de faire le ménage chez eux quand notre pays sert encore de plaque tournante à ce trafic ?

Depuis son apparition sur Terre il y a environ 300 000 ans, Homo Sapiens a connu un succès remarquable en tant qu'espèce. La domination de notre espèce sur notre environnement est si forte qu'aujourd'hui, la plupart d'entre nous se sentent complètement déconnectés du monde vivant dont nous faisons partie et qui rend notre existence possible. Or, nous dépendons entièrement de la nature pour l'air, l'eau, la nourriture et de nombreux produits directement issus de la nature et indispensables à notre survie. Ce rapport nous rappelle que pour limiter les risques d’émergence d’épidémies ou de pandémies nous devons maintenir un équilibre entre notre espèce et le reste du monde vivant sur terre. La protection de nos écosystèmes, de la nature, fait ainsi partie des choix les plus prospectifs que l’humanité puisse faire. 

 

Antoine Lebrun

Antoine Lebrun,
Directeur général du WWF-Belgique