Nous en avons été témoins l’été dernier. Alors que les températures atteignaient des records, le changement climatique faisait ses premières victimes : les agriculteurs. La qualité de leurs récoltes dépend, en effet, de la durée et de l’intensité de l’ensoleillement et des précipitations, de la qualité de l’air et de la terre, de la présence de certaines espèces animales et végétales, etc. Des facteurs qui, ensemble, créent un équilibre fragile, nécessaire à la production de récoltes.

Un fait est pourtant inéluctable : l’agriculture est à la fois la victime et la clé de la solution. Le secteur émet d’énormes quantités de méthane et de protoxyde d'azote, deux des principaux gaz à effet de serre. En Belgique, cela ne représente pas moins de 10,4 % des émissions de ces gaz. Le méthane est produit par le bétail pendant la fermentation entérique, puis au moment du stockage du fumier (essentiellement l'élevage bovin et porcin). Le protoxyde d'azote, pour sa part, est libéré notamment pendant les activités agricoles d’épandage d’engrais sur les pâturages et terres arables. Sans parler des émissions de gaz à effet de serre qui résultent de la déforestation induite par nos importations de soja et d’huile de palme et qui, à ce jour, ne sont pas comptabilisés dans nos émissions nationales. Notre pays importe en effet près de 1,8 million de tonnes de soja, essentiellement destinées au fourrage. Environ 60 % proviennent d’Argentine et du Brésil, deux pays qui pratiquent toujours la déforestation à un rythme effréné pour permettre la culture du soja, un végétal riche en protéines. Vous voyez le rapport ?

Il est grand temps de passer à la bonne nouvelle. Comme souvent, la solution réside dans le problème. Notre mode d’exploitation agricole actuel est, avant tout, tout sauf une fatalité. Des autres modèles agricoles qui fonctionnent avec la nature existent : agroécologie, agriculture régénérative, agriculture de conservation, agriculture biologique, agroforesterie… Leur dénominateur commun ? Ces modèles ont en commun de ne pas essayer de maîtriser la nature, mais d’être l’allié de la nature, travailler avec la nature et d’imiter l’écosystème. Ils s’appuient souvent sur des systèmes d’exploitation agricole mixtes (type polyculture-élevage), ainsi que l’autonomie fourragère qui consiste à produire sur l’exploitation agricole les propres fourrages pour alimenter le bétail. Les exploitations mixtes ont moins tendance à se spécialiser. Et laissent entrevoir des opportunités de rétablir l’équilibre entre les cheptels, le climat et l’environnement. Quand on sait qu’en Belgique, nous produisons deux fois plus de viande que nous n’en consommons… Le calcul est vite fait.

Une révolution copernicienne est en passe d’éclater dans la politique agricole européenne : alors que l’Union européenne, pendant des décennies, a conditionné à partir de l’Europe la survie de nos agriculteurs au budget agricole, les contraignant à la spécialisation et à la production intensive, le pouvoir décisionnel sur les budgets et la politique glisse progressivement dans les mains des États membres. Ce que cela implique ? Que la Wallonie peut choisir de tendre la main aux agriculteurs et de leur offrir les compensations essentielles et adéquates pour transiter vers des systèmes de production durables et à taille humaine, qui travaillent avec la nature plutôt que contre elle, et pour à nouveau proposer de denrées alimentaires de qualité dont ils peuvent être fiers. Et non, l’agriculture et l’élevage intensifs et industriels ne sont pas la seule et unique option. Saisissons cette chance qui s’offre à nous et sortons du statu quo. Les citoyens et nombreux agriculteurs le veulent. Les jeunes qui manifestent pour le climat aussi. Il est plus que temps !

Lire aussi :

• Notre position envers la politique agricole
• Brochure : Soutenir une agriculture saine pour les humains et la nature

Monica Schuster,
Chargée des politiques Alimentation et Agriculture,
WWF Belgique