Animaux sauvages et santé humaine : un combat commun et urgent
Animaux sauvages et santé humaine : un combat commun et urgent
Aujourd'hui, 6 juillet, passerait inaperçu pour beaucoup d'entre nous, mais plus en 2020, car c'est la Journée Mondiale des Zoonoses. Ces derniers mois, le monde a été secoué par la pandémie COVID-19, causée par un virus d'origine prétendument zoonotique chez les chauves-souris fer-à-cheval. Nous avons vu la fréquence et le nombre de ces maladies infectieuses augmenter considérablement au fil des ans, ce qui a entraîné une augmentation des menaces pour notre santé, notre économie et notre sécurité. Outre des exemples bien connus tels qu’Ebola et le SRAS, la COVID-19 illustre les effets dévastateurs que peuvent avoir ces maladies émergentes. Entre décembre 2019 et juin 2020, la COVID-19 a infecté plus de 10 millions de personnes dans le monde et a causé plus de 510 000 décès dans plus de 200 pays, soit plus de trois fois le nombre de personnes tuées chaque année par les conflits armés et le terrorisme. L'impact économique est estimé entre 2.100 et 7.800 milliards d'euros en perte de production.
Les recherches indiquent que les principaux facteurs à l'origine de cette tendance alarmante sont dus à notre comportement destructeur envers la nature. Premièrement, le commerce et la consommation d'animaux sauvages, en particulier d'espèces présentant un risque élevé de contenir des agents pathogènes virulents, est une préoccupation majeure. La demande de viande sauvage comme source de protéines ou de mets culinaires est en augmentation dans le monde. Deuxièmement, la façon dont nous produisons actuellement les aliments et consommons les ressources naturelles entraîne une exploitation forestière non durable, un élevage intensif et un changement d'affectation des terres en raison d'activités telles que la déforestation. La quantité de terres converties à la production alimentaire augmente rapidement pour nourrir une population croissante (principalement pour les matières premières telles que le bœuf, le soja et l'huile de palme). Par exemple, 178 millions d'hectares de forêt ont été défrichés depuis 1990. Ces facteurs importants augmentent considérablement les contacts - et donc les risques de "débordement" - entre les personnes, leur bétail et les animaux sauvages, qui sont porteurs d'agents pathogènes potentiellement dangereux. La mondialisation croissante entraîne ces risques aux quatre coins du monde. Tant que ces causes profondes ne sont pas traitées de manière adéquate, la santé publique reste menacée.
La Belgique peut jouer un rôle dans la réduction des risques sanitaires en s'attaquant à son empreinte croissante et au commerce et à la consommation illégaux de produits issus d'espèces sauvages. Une étude récente commandée par le SPF Santé publique, Sécurité de la Chaîne alimentaire et Environnement a estimé que 4,6 tonnes de viande sauvage, dont des espèces menacées et protégées, entrent chaque mois dans notre pays via Brussels Airport dans les bagages des passagers. Une étude connexe a trouvé des traces de bactéries zoonotiques potentiellement dangereuses et du virus de la peste porcine africaine dans de la viande saisie. Les résultats de ces essais pilotes confirment que l'importation de viande (de gibier) peut présenter un risque pour la santé humaine et animale et peut contribuer à alimenter des marchés à risque potentiel dans les pays d'origine, avec un impact négatif sur la biodiversité. Il ne faut pas oublier que la législation européenne interdit toute importation de viande en provenance de pays tiers sans certification adéquate.
Les documentaires de la VRT et de la RTBF à l'automne 2018 et les recommandations des experts publiées après la conférence "One world One health" en décembre 2019 ont alimenté les débats sur ces questions aux niveaux politique et social. Toutefois, ces débats n'ont pas encore conduit à une augmentation des actions ayant un impact clair sur le terrain pour mettre fin à l'importation de viande sauvage illégale. Nous demandons donc aux gouvernements, et en particulier aux ministres responsables de la santé publique, de la sécurité alimentaire, des douanes et de l'environnement, de démontrer leur engagement à renforcer les contrôles et les sanctions dissuasives, à mettre fin au commerce illégal de viande de gibier sauvage, ainsi qu'à sensibiliser davantage les consommateurs, en étroite coopération avec l'aéroport et les compagnies aériennes dès que les vols auront repris.
Nous devons nous attaquer à toutes les causes de l'augmentation des zoonoses en reconnaissant le lien étroit entre notre santé et la nature. La crise sanitaire de COVID montre la nécessité et la force de la coopération entre les acteurs non étatiques pour un réel changement ; continuons à travailler ensemble pour notre santé, pour la nature, pour nous, à l'occasion de la Journée Mondiale des Zoonoses.
39 experts signent cet appel
Prof. Dr. Kevin Ariën ( Institut de Médecine Tropicale Anvers), Prof. Dr. Dries Bonte (UGent), Dr. Anne-Lise Chaber (Université d’Adelaïde), Steffi Dekegel (Koninklijke Maatschappij voor Dierkunde Anvers), Prof. Dr. Jeroen Dewulf (UGent), Dr. Lucette Flandroy (retraitée du SPF Santé Publique), Prof. Dr. Marius Gilbert (ULB), Dr. Anne Laudisoit (EcoHealth Alliance), Antoine Lebrun (WWF Belgique), Prof. Dr. Herwig Leirs (Université d’Anvers), Prof. Dr. Luc Lens (UGent), Prof. Dr. An Martel (UGent), Dr. Mutien Garigliany (ULg), Dr. Sophie Gombeer (Institut Royal des Sciences Naturelles), Dr. Sophie Gryseels (KU Leuven), Prof. Dr. Hajaniaina Ratsimbazafy (VUB & ULB), Tom Hellebuyck (UGent), Elke Hellinx (KU Leuven), Dr. Jean Hugé (VUB & Open Universiteit van Nederland), Dr. Luc Janssens de Bisthoven (Institut Royal des Sciences Naturelles, CEBioS), Prof. Dr. Piet Maes (KU Leuven), Prof. Dr. Erik Matthysen (Université d’Anvers), Kenny Meganck (Musée royal de l’Afrique centrale), Prof. Dr. Patrick Meyfroidt (UCLouvain), Prof. Dr. Frank Pasmans (UGent), Dr. Véronique Renault (ULG), Dr. Sophie Roelandt (indépendante), Dr. Lieze Rouffaer (UGent), Dr. Sofie Ruysschaert (WWF België), Prof. Dr. Claude Saegerman (ULG), Dr. Frederik Van de Perre (Université d’Anvers), Prof. Dr. Steven Van Gucht (Sciensano), Prof. Dr. Maarten Vanhove (Université d’Hasselt), Prof. Dr. Sophie Vanwambeke (UCLouvain), Dr. Elin Verbrugghe (UGent), Dr. Erik Verheyen (Institut Royal des Sciences Naturelles & Université d’Anvers), Dr. Muriel Vervaeke (Agentschap voor Natuur en Bos Flandre), Dr. Jacob Willie (Koninklijke Maatschappij voor Dierkunde Antwerpen), Dr. Jella Wauters (UGent & Leibniz Institute for Zoo and Wildlife Research)