« Le retour du loup est toujours en marche »

« Le retour du loup est toujours en marche »

Bruxelles, 13 septembre 2023 – Le Parlement européen discute aujourd’hui d’une possible révision du statut de protection du loup en Europe. Pour Pepijn T'Hooft, responsable du programme loup du WWF-Belgique, le loup est utilisé ici à des fins politiques, et c'est une très mauvaise nouvelle.

Tous ceux et celles qui connaissent bien les loups et les mesures qui les protègent sont tombés à la renverse la semaine dernière. Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a envoyé un communiqué de presse inquiétant, mais aussi trompeur et préjudiciable à la politique de la Commission en matière protection de la nature.

Mme von der Leyen affirme dans ce communiqué que la concentration de meutes de loups dans certaines régions représente un danger pour le bétail et peut-être même pour les humains – une affirmation qu’elle n’étaye pas par des preuves scientifiques et qui donne déjà le ton à la consultation qu’elle annonce ensuite.

Elle invite en effet les communautés locales, les scientifiques et toutes les parties intéressées à soumettre à la Commission leurs informations sur les populations de loups en Europe et leurs impacts. Sur la base de ces informations, le statut de protection du loup pourrait alors éventuellement être modifié. Le message est clair.

Une tactique politique

Cette initiative va à l'encontre de la politique menée par la Commission européenne ces dernières années, une politique qui s'est toujours attachée à promouvoir la coexistence avec les grands carnivores. Mme von der Leyen veut-elle abaisser le statut de protection du loup pour satisfaire son électorat ? Ce faisant, elle mettrait en péril l'une des réussites les plus prometteuses en matière de restauration de la faune sauvage en Europe. Mme von der Leyen instrumentalise ici le loup à des fins politiques, et ces manigances ne bénéficieront ni aux éleveurs, ni à la nature.

Le loup fait partie intégrante de notre patrimoine naturel européen et il joue un rôle crucial dans nos écosystèmes en tant que grand prédateur. On constate ainsi un impact positif sur la nature dans les endroits où il a la possibilité d’exercer efficacement son rôle de grand prédateur.

On remarque notamment que les animaux malades sont éliminés plus rapidement, ce qui réduit le risque de propagation des maladies parmi les ongulés. Les herbivores évitent les zones d’où il leur est difficile de s’enfuir, ce qui laisse plus de place à la régénération naturelle des forêts. Les charognards comme le corbeau profitent également de sa présence, et reviennent dans les zones où le loup s'installe.

Une coexistence centenaire

Lorsque le loup a été placé sous protection européenne stricte en 1992, il avait presque complètement disparu en Europe. Et c’est grâce à cette protection qu’il a pu à nouveau se répandre dans nos contrées, à partir de quelques populations relictuelles. Ces populations relictuelles se trouvaient dans des régions où les loups coexistaient durablement avec les populations depuis des siècles.  

Le retour du loup est considéré comme une étape importante dans le domaine de la conservation de nature, et comme l'une des rares réussites du retour de la vie sauvage en Europe. Ce retour est toujours en marche. Il est important de continuer à protéger le loup, et de lui donner l’opportunité de remplir son rôle écologique dans nos écosystèmes, plutôt que de prendre les armes dès que sa situation commence à s’améliorer.

Les risques d'attaque envers les humains sont extrêmement faibles : les dernières recherches scientifiques (2020) nous montrent qu’il n’y a eu aucune preuve de décès humain dû aux loups en Europe au cours de ce siècle. Même en Belgique - un pays densément peuplé qui compte aujourd'hui trois meutes - le loup n'a jamais représenté un danger pour les humains.

Pourtant, il ne faut pas nier l’existence de la peur – même lorsqu’elle n'est pas fondée sur une menace réelle. Un volet important de notre travail est donc la sensibilisation et la diffusion d'informations correctes. Mais nous ne pouvons pas accepter que les responsables politiques se basent eux-mêmes sur cette peur, et l'alimentent à tort, sans tenir compte de la science et des faits. Les loups ne représentent pas un danger pour les humains. Et il est profondément regrettable et décevant qu'une présidente de la Commission européenne ose suggérer qu’il en est autrement.

Un soutien européen

Toutefois, lorsque le loup revient dans une région où il a été absent pendant une longue période, des conflits avec les éleveurs et les éleveuses peuvent survenir. Dans ces régions, les dommages sont principalement liés à un manque de protection adéquate du bétail.

L'UE apporte son soutien à cette situation par différents moyens, allant de l'indemnisation des dommages économiques à des subventions pour des mesures préventives telles que des clôtures à l'épreuve des loups ou encore des chiens pour protéger les troupeaux. Bien qu'il y ait encore beaucoup de progrès à faire - et que certains pays aient négligé la situation pendant des années - la Belgique est un bon exemple de l’efficacité de ces mesures, à condition de conseiller et de soutenir les éleveurs et les éleveuses dans cette démarche.

Or changer le statut de protection du loup risque de légitimer l’abattage des individus comme seule solution aux conflits, compromettant ainsi les solutions efficaces et durables telles que les clôtures à l'épreuve des loups. Et il n'existe aucune preuve scientifique que l'abattage soit une solution efficace et durable aux conflits entre les grands carnivores et les éleveurs. En outre, l'intensification de l'abattage des loups ne résoudra pas les problèmes fondamentaux auxquels sont confrontés le secteur agricole et les communautés rurales.

Et les lions d'Afrique ?

Par ailleurs, comment peut-on attendre des pays africains qu'ils fassent des efforts pour conserver le lion d'Afrique alors qu'un continent prospère comme l'Europe ne parvient pas à coexister avec le loup ? Vivre en harmonie avec la nature demande un engagement fort, mais c'est un objectif qui en vaut la peine, ici comme ailleurs à travers le monde.

Pepijn T’Hooft
Gestionnaire du Programme Loup, WWF-Belgique


Lisez ici la lettre ouverte que le WWF et d'autres organisations de protection de la nature ont adressée cette semaine à la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.


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À propos du WWF (World Wide Fund for Nature)

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Le WWF coopère avec d’autres acteurs et actrices pour mettre fin à la dégradation des milieux naturels sur la planète et œuvrer à un avenir où les humains vivront en harmonie avec la nature, par la conservation de la diversité biologique, la promotion d’une utilisation durable des ressources naturelles et la lutte contre la pollution et le gaspillage. Les 10 prochaines années seront cruciales pour aborder les principales menaces qui pèsent sur la nature et sur l’humanité.