Rapport Planète Vivante 2016 : connaîtrons-nous une 6e extinction de masse ?

Rapport Planète Vivante 2016 : connaîtrons-nous une 6e extinction de masse ?

Si la tendance actuelle se poursuit, la biodiversité mondiale aura connu en 2020 un déclin de 67 % depuis 1970. C’est le constat que dresse la nouvelle édition du Rapport Planète Vivante du WWF, présentée aujourd’hui même au Musée des Sciences Naturelles de Bruxelles.

 

Le rapport met en évidence les pressions sans précédent qu’exerce l’homme sur la planète. Les populations mondiales de poissons, d’oiseaux, de mammifères, d’amphibiens et de reptiles ont chuté de 58 % entre 1970 et 2012. Nous entrons potentiellement dans la 6e extinction de masse. Mais il existe des solutions. Et celles-ci résident principalement dans nos systèmes alimentaire et énergétique.

« Les espèces sont en train de disparaître sous nos yeux à une vitesse alarmante », déclare Antoine Lebrun, directeur général du WWF-Belgique. « La préservation de notre monde naturel n’est pas l’affaire d’un petit cercle d’amoureux de la nature. C’est l’affaire de tous et dans l’intérêt de chaque citoyen. Travailler sur la réduction de notre empreinte, la bonne gouvernance, l’application effective des lois, la criminalité, la paix et la sécurité sont des sujets pertinents autant pour la biodiversité que pour la construction d’un monde prospère et en paix. La protection de notre monde naturel est donc intimement connectée aux principaux défis que le monde affronte aujourd’hui et absolument pertinente pour chaque citoyen qui habite cette planète. »

Le rapport du WWF recourt à l'Indice Planète Vivante, élaboré selon les données de la Société zoologique de Londres (ZSL), pour illustrer l'état de la biodiversité mondiale. L'indice, qui se fonde sur l’étude de 14 152 populations de 3 706 espèces de vertébrés, montre que ces populations sont, en moyenne, en déclin. « L’impact des activités humaines sur la nature sauvage est considérable, et en particulier pour les habitats d'eau douce. Toutefois, il ne s’agit pour l’instant que de régression, pas encore d’extinction. Il nous faut donc agir au plus vite. Nous pouvons encore sauver ces espèces », note le professeur Ken Norris, directeur scientifique de la ZSL.

Une nouvelle ère : l’Anthropocène 

Les principales menaces pour la biodiversité identifiées dans le rapport, telles que la perte et la dégradation des habitats naturels ainsi que la surexploitation des espèces sauvages, sont directement liées aux activités humaines. Les conclusions du rapport indiquent en outre que nous entrons dans une nouvelle période de l’Histoire, caractérisée par les changements que l’humanité apporte à la planète, en ce compris une potentielle 6e extinction de masse. Les scientifiques appellent cette nouvelle ère l’Anthropocène. Si nous pouvons comprendre pourquoi nous entrons dans cette nouvelle ère, nous sommes également capables d’identifier des solutions pour restaurer les écosystèmes dont nous dépendons.

D’après le rapport, notre système de production alimentaire est l'une des causes principales de la destruction des habitats et de la surexploitation de la faune et de la flore. À l’heure actuelle, l'agriculture accapare environ un tiers de la superficie totale des terres disponibles et représente près de 70 % de la consommation d’eau douce. Le Rapport Planète Vivante 2016 décrit les solutions grâce auxquelles, en réformant nos modes de production et de consommation, le monde pourra se nourrir convenablement et durablement. Il se penche en outre sur les changements fondamentaux à opérer dans les systèmes énergétique et financier mondiaux pour répondre de façon durable aux besoins des générations futures.

Dépassement des limites planétaires

Le Rapport Planète Vivante 2016 s’appuie sur des recherches pointues ayant pour objet la portée et l’impact des activités humaines sur notre planète. Ce cadre, défini par le Stockholm Resilience Centre, démontre que l’humanité a franchi quatre des neuf limites planétaires, ces seuils de sécurité associés aux processus critiques du système Terre et indispensables au maintien de la vie sur le globe. Dans une préface spéciale, le chercheur Johan Rockström, responsable de l’équipe ayant identifié les limites planétaires, souligne la nécessité d'une transition urgente vers un monde évoluant à l’intérieur de ce qu’il appelle le « champ d’action sécurisé de la Terre ». L’étude fait également appel aux conclusions du Global Footprint Network, suivant lesquelles nous consommons actuellement les ressources et les services que nous fournit la Terre comme si nous avions 1,6 planète à notre disposition.

Ravages du soja : la Belgique doit prendre ses responsabilités

Les ressources de notre planète sont avant tout impactées par nos systèmes énergétique et alimentaire. Le rapport du WWF se base sur l’exemple du Cerrado brésilien pour illustrer cette problématique. Cette vaste région au centre du Brésil est aujourd'hui quasiment réduite à néant pour la culture du soja, une culture qui est par ailleurs l’une des premières responsables de la déforestation en Amérique du Sud. Le soja utilisé en Europe monopolise 13 millions d’hectares sur ce continent. Des recherches récentes menées à la demande du WWF permettent de constater que le citoyen européen moyen consomme annuellement 61 kg de soja sans le savoir. En effet, 93 % du soja produit est utilisé pour l'alimentation animale et se retrouve donc dans les produits à base de viande que nous consommons. Les producteurs industriels de porcs et de volaille sont les plus grands consommateurs de soja brésilien.

Réduire notre consommation de viande constitue une étape fondamentale. Il est également important que les fabricants d'aliments s’approvisionnent en soja certifié « zéro déforestation ». En Belgique, cela signifie que chacun doit prendre ses responsabilités : les fabricants d'aliments et leurs clients (les éleveurs de porcs, de volailles, etc.) mais aussi les supermarchés et autres magasins et, enfin, les consommateurs. Ces derniers devraient opter pour moins de viande mais de meilleure qualité et ils devraient également pouvoir demander à leurs fournisseurs avec quels aliments ont été nourris les animaux dont sont issus les produits qu’ils achètent. Aujourd’hui, il n’est clairement plus possible de dire « Nous ne savions pas ».

Tracer la voie à suivre

Le rapport du WWF insiste sur le besoin de repenser nos modes de production, de consommation, de mesure de la réussite et de valorisation de notre environnement naturel. La protection adéquate de l’environnement passe par une transformation urgente du système qui impose aux individus, aux entreprises et aux gouvernements de rompre avec l’approche court-termiste prévalant jusqu’ici pour y substituer une démarche visionnaire qui tienne compte des générations futures. Le rapport donne également des précisions sur la dynamique positive insufflée par les récents accords mondiaux sur le climat (COP de Paris) et le développement durable (Objectifs de Développement Durable - ODD). L’Agenda 2030 pour le développement durable y est notamment présenté comme un guide essentiel à la prise de décision, capable de placer la sauvegarde de l’environnement au même niveau que la défense des intérêts économiques et sociaux. « La biodiversité est essentielle pour des forêts, des rivières et des océans en bonne santé. Supprimez les espèces, et ces écosystèmes s’effondreront, ainsi que l’air, l'eau, la nourriture et les conditions climatiques qu'ils nous fournissent. Nous avons les moyens de résoudre cette situation mais nous devons les mettre en œuvre de toute urgence si nous voulons préserver une planète vivante qui garantisse notre survie et notre prospérité », déclare Marco Lambertini, directeur général du WWF-International.

 

Le Rapport Planète Vivante 2016 : risque et résilience dans une nouvelle ère est la 11e édition du rapport biennal du WWF qui présente l’état de la planète.