Mission au cœur d’un paradis en danger
Mission au cœur d’un paradis en danger
En avril dernier, une équipe internationale de neuf scientifiques a embarqué pour la province de Kratie, au Cambodge, pour étudier la biodiversité aux abords du fleuve Mékong. L’enjeu est de taille : si la présence du cerf-cochon et d’autres espèces menacées est confirmée, les autorités cambodgiennes soutiendront la création de deux zones protégées dans une région exposée à de graves menaces. Urgence !
La mission scientifique conduite par l’organisme BINCO (Biodiversity Inventory for Conservation) à la demande du WWF-Belgique s’est soldée par un franc succès. Les régions de Praek Prasak et Sambour, pour lesquelles le WWF réclame le statut de sanctuaires de la vie sauvage, ont dévoilé des trésors de biodiversité, et la présence du cerf-cochon a été confirmée dans l’une d’elles.
« De superbes îlots de nature sauvage subsistent dans la région, abritant une biodiversité incroyable et où vivent des communautés locales extraordinairement sympathiques et accueillantes. »
Merlijn Jocque, responsable de la mission scientifique menée par BINCO dans la province de Kratie.
Ce petit cerf peu farouche était considéré comme éteint au Cambodge jusqu’à ce qu’il soit aperçu en 2006, puis à nouveau plus récemment, dans la zone ciblée par la mission. Cette espèce est prioritaire pour le gouvernement cambodgien. Sa présence est donc un signal très positif pour la nature et les populations locales. Merlijn Jocque, qui a dirigé l’expédition, nous explique la situation des cerfs-cochons à Praek Prasab : « La population est assez prospère, mais elle est concentrée dans une toute petite zone de prairies humides, à proximité immédiate de villages. La présence du cerf est une excellente nouvelle, mais son isolement sur un si petit territoire est aussi un motif d’inquiétude, car cette situation n’est pas tenable à long terme ».
La biodiversité au rendez-vous
L’étude a également relevé la présence de dizaines d’espèces de reptiles et d’amphibiens, et pas moins de 219 espèces d’oiseaux. Parmi celles-ci, l’ibis de Davison, en danger critique d’extinction, justifie à lui seul la protection des dernières forêts intactes du sanctuaire de Sambour. D’autres oiseaux rares ou menacés ont été observés, notamment dans la zone occupée par le cerf-cochon. C’est le cas du mainate religieux et du shama à croupion blanc, deux oiseaux devenus rares en raison du trafic dont ils font l’objet en tant qu’oiseaux de cage. À signaler également : une araignée mangeuse de fourmis inconnue à ce jour, preuve qu’en protégeant les habitats sauvages, on préserve aussi des espèces que l’on ne connaît pas encore.
Des menaces aux multiples visages
Les forêts inondées et les prairies humides du Mékong recèlent des trésors de vie sauvage. Mais cette richesse est aujourd’hui menacée par les concessions foncières, les grands projets d’infrastructures et d’exploitation minière, le braconnage et le trafic des espèces sauvages. Une situation qui pèse lourdement sur la forêt mais aussi sur les communautés locales qui en dépendent pour leur survie. Dès son arrivée, Merlijn Jocque est frappé par la situation : « Il y a des gens partout et la plus grande partie de la forêt a disparu ». Avec le développement économique et les immenses concessions octroyées à de grandes entreprises, une population de plus en plus nombreuse cohabite avec une forêt de plus en plus réduite. Étant donné que cette population exploite la forêt comme source de nourriture et de revenus, la pression devient insupportable pour l’écosystème.
« Nous voulons protéger la forêt contre les grands projets d’exploitation tout en accompagnant les communautés locales dans la gestion durable et la valorisation des ressources. »
Jerome Laycock, responsable du programme au WWF-Belgique.
Pour la nature, pour les humains
Afin de faire face à cette pression grandissante, le WWF-Belgique a établi dans la région une stratégie en deux volets, soutenue par la Coopération belge au développement (DGD). Jerome Laycock est responsable du programme. « Nous voulons protéger la forêt contre les grands projets d’exploitation tout en accompagnant les communautés locales dans la gestion durable et la valorisation des ressources » explique-t-il. Le développement de l’écotourisme est un exemple de débouché à privilégier. Le projet est d’autant plus urgent que, comme le rappelle Merlijn Jocque, « de superbes îlots de nature sauvage subsistent dans la région, abritant une biodiversité incroyable et où vivent des communautés locales extraordinairement sympathiques et accueillantes. » Fort des résultats de cette étude, le WWF est déterminé à redoubler d’efforts pour donner à ce paradis la tranquillité qu’il mérite.