La loutre est-elle revenue en Belgique ?

La loutre est-elle revenue en Belgique ?

Depuis quelques années, la loutre fait des petites apparitions dans certaines rivières flamandes et dans la vallée de la Semois. Mais la loutre est-elle pour autant de retour dans notre pays pour de bon ? Et quel est l’impact de sa présence sur notre environnement naturel en Belgique ? Nos experts Céline De Caluwé et Corentin Rousseau l'expliquent pour vous.   

On ne va pas vous le cacher : la loutre en Belgique revient de loin

Dans les années 1980, la situation de la loutre en Belgique était loin d’être rose. La chasse, la pollution de l'eau et la destruction de son habitat et des stocks de poissons… Tout ça, c’était trop pour la loutre. À partir de ce moment-là, elle n’a plus donné signe de vie dans notre pays. Heureusement, un travail énorme a été fait pour dépolluer les cours d’eau, qui ont petit à petit recommencé à abriter une biodiversité plus riche.

Et son retour est marqué en 2012. Cette année-là, une loutre est repérée sur une caméra-piège dans la vallée de l’Escaut. La Flandre suit rapidement le même exemple : le nombre d’apparitions se multiplie… Nous pouvons même parler de « loutres permanentes » dans les régions de Kruibeke, Oudernaarden, le Moervaart et l'Abeek.   

« La loutre est un carnivore, et donc un animal très territorial. Il a besoin d’une zone d’au moins 10 km² pour vivre sans être dérangé. Il est également important que cette zone réunisse les bonnes conditions : suffisamment de végétations sur les berges, suffisamment de poissons et une bonne qualité de l'eau », explique Céline De Caluwé, responsable de programme au WWF-Belgique.

On a examiné un certain nombre d'obstacles qui peuvent empêcher la loutre de migrer vers d'autres zones. La faible qualité de l’habitat et les ponts constituent deux grands obstacles pour l’épanouissement des loutres. On a examiné un certain nombre d'obstacles qui peuvent empêcher la loutre de migrer vers d'autres zones. La faible qualité de l’habitat et les ponts constituent deux grands obstacles pour l’épanouissement des loutres.

Paradis de loutres : poissons et végétaux

Sur ses 198 km de rivière, la Semois pourrait être plus accueillante. Le WWF et ses partenaires travaillent donc à en faire un véritable paradis. Une première étape est de s’assurer que la loutre dispose d’assez de cachettes, dans des berges assez larges, naturelles et bien végétalisées.

Cela veut par exemple dire replanter des espèces indigènes telles que des aubépines, et laisser naturellement s’installer des ronciers. Il est aussi parfois nécessaire d’arracher certaines espèces exotiques envahissantes qui disparaissent en hiver (comme la balsamine de l’Himalaya), rendant les rives dénudées de végétation aux premiers froids.


La seconde étape est d’assurer que la loutre puisse se déplacer : elle a besoin de 20 à 40 km de rivières. Et que, difficulté supplémentaire : les loutres ne passent pas sous n’importe quel pont.


Le « loutroduc », solution pour la loutre et sa phobie des ponts

Les loutres ont en commun une phobie étrange : elles ne nagent pas sous les ponts. Au péril de leur vie, elles préfèreront traverser la route à pied.

Aux Pays-Bas, on estime que 28 % de la population de loutres meurt chaque année dans la circulation. Il existe cependant des solutions : comme celle de construire des « loutroducs ». Pardon ? Les loutroducs sont des berges artificielles, construites sous les ponts. La loutre peut alors passer sous les ponts les pieds au sec, et bien protégée. D'autres animaux peuvent également bénéficier de ces voieries spéciales : les fouines, les martres, les écureuils, les renards, etc.  

Une coopération intensive avec diverses municipalités a été mise en place. Une fois les endroits stratégiques identifiés, la construction de plusieurs « loutroducs » devrait se concrétiser à l’avenir… Restez attentifs !

En Wallonie, la loutre n'a jamais vraiment disparu

Les bassins de la Semois et de l'Ourthe, dans le sud du pays, se portent plutôt bien : ils remplissent presque toutes les conditions pour abriter des populations de loutres. Les experts s'accordent même à dire que les loutres n'ont jamais complètement disparu de cette région, même si elles sont aujourd'hui très rares.

Au cours des dix dernières années, des traces de loutres ont été trouvées dans cette zone tous les deux ans environ. Il y a deux ans, l’une de nos caméras-pièges a même pu capturer une loutre sur les rives de l'Ourthe ! On ne vous raconte pas l’excitation au moment de découvrir la photo.

Actuellement, nous utilisons l’ADN électronique (ADN environnemental) pour trouver des traces de loutres. Nous prélevons des échantillons d'eau, qui sont examinés pour voir si l'ADN de la loutre est présent dans l'eau. Cette technique a été couronnée de succès dans le Limbourg. Elle est maintenant également utilisée en Wallonie.   

Les loutres protègent également les autres animaux

Comme mentionné précédemment, les loutres ont besoin d'un grand habitat. « Les actions qui aident la loutre sont bonnes pour la biodiversité dans son ensemble », insiste Corentin Rousseau, responsable de programme au WWF-Belgique. « Il est important de restaurer nos rivières et la protection de la loutre est le moyen idéal d'y parvenir. D'autres espèces comme la cigogne noire, le martin-pêcheur, le cincle plongeur, diverses espèces de poissons, les libellules, les plantes indigènes et le chat sauvage en profitent également. C'est pourquoi nous la loutre est considérée comme "espèce parapluie" : sa conservation profite à de nombreuses autres espèces. »   

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