Braconnage de jaguar : deux jeunes retrouvés dépecés lors de notre mission au Suriname

Braconnage de jaguar : deux jeunes retrouvés dépecés lors de notre mission au Suriname

Début novembre, une équipe du WWF (Belgique et Suriname) est partie enquêter sur les mines d’or et les exploitations illégales qui se multiplient ces dernières années dans les forêts du Suriname. Sur place, le spectacle fut glaçant : destruction de l’Amazonie, déversement de mercure en grande quantité dans la nature… et braconnage. À leur arrivée, nos collègues ont trouvé deux jeunes jaguars qui venaient tout juste de se faire abattre pour être envoyés en Asie.

 

Début novembre, vous êtes partis en mission au Suriname. Quel en était l’objectif ?

Pepijn T’Hooft, responsable WWF-Belgique du projet au Suriname : Nous avons rendu visite aux communautés locales et aux partenaires pour en apprendre davantage sur l’avancement du projet de protection de 7,2 millions d’hectares dans le sud du Suriname (soit plus de deux fois la superficie de la Belgique), que le WWF soutient. En effet, en 2015, les communautés du sud du pays se sont réunies avec plusieurs ONG dont le WWF pour signer la déclaration du “South Suriname Conservation Corridor”. Car ce petit pays, doté d’une biodiversité exceptionnelle et jouant un rôle important au niveau mondial pour le climat, est menacé par des exploitations illégales, notamment des mines d’or.

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Nous avons rencontré des communautés passionnées par la protection de leur habitat, mais qui redoutent de plus en plus l'extraction d’or et la pollution par le mercure qui en découle. Certaines communautés, dont celles situées à la périphérie de la région, commencent déjà à souffrir des effets néfastes de ces exploitations illégales.

Comment en êtes-vous arrivés à enquêter sur cette mine d'or illégale ? Pouvez-vous décrire ce qu'il s'y passe ?

Dans le sud-est du Suriname, à la frontière avec la Guyane française, de plus en plus de mines d'or se développent, principalement gérées par des Brésiliens (appelés garimpeiros) qui traversent la frontière à la recherche d'or. Un dirigeant de la communauté autochtone (« le granman ») nous a emmenés dans une mine près de son village. À cet endroit, les chercheurs d’or y ont détruit douzaine d’hectares de forêt près de la rivière ! Ce que nous y avons vu était désolant… Pour extraire l'or du sol, la terre pulvérisée est traitée avec du mercure en grande quantité. Ces nombreuses mines d’or « à petite échelle » ont un impact majeur sur l’écosystème et les habitats de la population autochtone. Et l'on observe que dans la région, les rejets toxiques, la pollution par le mercure et la turbidité de l'eau, mais aussi la chasse et le commerce illégal d'espèces menacées d'extinction augmentent.

Nous avons pu le constater nous-mêmes lorsque nous sommes arrivés au campement des chercheurs d’or : deux jaguars, vraisemblablement encore jeunes, venaient tout juste de se faire braconner.

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Comment avez-vous réagi à cette découverte ?

Nous avons tenté de cacher notre consternation et de collecter le plus d'informations possible. Le chercheur d'or, qui ignorait que nous représentions le WWF, nous a raconté qu'il avait tué les deux jaguars, et qu’il allait gagner entre 400 et 500 euros par jaguar. Pour lui, c’est une rentrée financière comme une autre. La manière dont les animaux ont été traités a clairement montré que les braconniers connaissent le marché illégal : leurs peaux séchaient, leurs têtes avaient été enlevées, et leur chair était en train d’être bouillie. Ce n'est donc pas un cas isolé.

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Les mines d’or sont un endroit propice à ce genre de trafic. La déforestation permet en effet aux braconniers d’accéder à des endroits vraiment reculés de la forêt, où ils ont plus de chance de trouver des jaguars.

Malheureusement, l'application de la loi dans ces régions est difficile, et les dirigeants des peuples autochtones n'ont pas le pouvoir de traiter ce genre de crime dans leurs propres régions. La seule action possible est de leur rappeler la loi. Le “granman” a été particulièrement ferme à ce sujet.

Le braconnage du jaguar est-il en augmentation ces dernières années ?

Tout indique que la chasse illégale de jaguar au Suriname a énormément augmenté ces dernières années, en particulier sous l’influence de la demande croissante de l’Asie. Le jaguar rapporte énormément d’argent, puisqu’il n’y a pas que ses dents et griffes qui sont exploitées, mais aussi sa peau, sa chair et ses os, recherchés pour leurs prétendues « vertus » et utilisés dans la médecine traditionnelle chinoise.

À côté de cela, les Surinamais sont généralement très fiers de la richesse de leur pays et, dernièrement, de plus en plus de voix se font entendre dans la société autochtone pour mieux protéger le jaguar.

Que pouvons-nous y faire ?

Au Suriname, l’essentiel est d’entretenir des communautés fortes et d’obtenir un statut de protection juridique du Corridor de conservation du sud du pays. Ainsi, nous pourrons agir contre les menaces croissantes telles que l’extraction de l’or et le braconnage du jaguar.

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Le WWF soutient cette protection au Suriname et contribue à l’amélioration des lois pour la préservation de la nature. Nous travaillons avec des partenaires locaux pour renforcer les communautés afin qu’elles-mêmes puissent garantir la protection de leur habitat, et des jaguars. Par exemple, des rangers autochtones sont formés et nous aidons à cartographier la zone et son utilisation.

Aujourd’hui, nous avons besoin de fonds pour garantir un travail durable et efficace. Nous menons donc actuellement une campagne pour récolter des fonds pour sauver le jaguar. Et nous avons besoin de vous !

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