Orang-outan, tamanoir, panthère nébuleuse… nos importations menacent de nombreuses espèces et l’UE doit protéger leurs écosystèmes

Orang-outan, tamanoir, panthère nébuleuse… nos importations menacent de nombreuses espèces et l’UE doit protéger leurs écosystèmes

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© Bruce W. Bunting / WWF-US - © naturepl.com / Fiona Rogers / WWF – © naturepl.com - Nick Garbutt - WWF

Bruxelles, le 18 janvier 2022 – Un nouveau rapport du WWF souligne la responsabilité de l’UE dans la conversion d’écosystèmes naturels à travers le monde : les forêts, les savanes, les tourbières, les prairies et les mangroves sont autant d’habitats cruciaux pour la survie de nombreuses espèces animales déjà menacées d’extinction. A l’heure actuelle, une partie de nos importations de soja, de bœuf, de blé, d’huile de palme ou de bois participe à la destruction d’écosystèmes à un rythme alarmant. Cette destruction contribue non seulement à l’effondrement de la biodiversité, mais aussi au changement climatique et à la perte des services vitaux que la nature fournit et dont nous dépendons.

L’Union européenne est le deuxième plus grand importateur de matières premières liées à la déforestation après la Chine. Mais l’UE importe également d’importants volumes de produits issus d’écosystèmes naturels non forestiers – en Indonésie, au Brésil ou encore aux Etats-Unis – et elle a donc une importante responsabilité dans leur protection. C’est ce que démontre le nouveau rapport du WWF, « Savanes, prairies, mangroves : les grands sacrifiés de l’UE ». Ces écosystèmes jouent un rôle essentiel dans le stockage du carbone et ils constituent les derniers bastions pour de nombreuses espèces animales menacées d’extinction.

Une destruction plus rapide que celle de la forêt amazonienne

Parmi ces précieux écosystèmes, il y a la savane, qu’on associe souvent au continent africain. La savane tropicale du Cerrado s’étend pourtant sur plus d’un cinquième du territoire du Brésil et abrite près de 5% de la totalité des espèces dans le monde. Sa destruction est encore plus rapide que celle de la forêt amazonienne et elle s’accélère ces derniers mois : entre août 2020 et juillet 2021, le Cerrado a perdu 8 531 km², soit l’équivalent de la moitié de la Wallonie. En 2019, l’Europe importait 70 000 tonnes de bœuf provenant du Cerrado et 14% de nos importations directes de soja dans l’UE venaient du Cerrado. L’extension de la production agricole dans cette région menace les centaines d’espèces qu’elle abrite, dont 75 espèces en danger critique d’extinction.

Du soja qui se retrouve indirectement dans nos assiettes

La culture du soja est également l’un des principaux moteurs de la conversion du Chaco argentin, et l’Union européenne y contribue fortement, puisque près d’un quart des exportations totales de soja de cette écorégion lui sont destinées. Ce soja, nous le consommons indirectement : il sert à nourrir nos volailles, nos porcs ou encore nos vaches laitières. Cette forte demande met le Chaco en péril, alors qu’il abrite environ 500 espèces d’oiseaux, 150 espèces de mammifères, 120 espèces de reptiles, ainsi que 100 espèces d’amphibiens. Nombre d’entre elles dépendent de la végétation ouverte des savanes et des prairies, comme le jaguar ou le tamanoir. Aussi appelé fourmilier géant, ce mammifère à la tête conique se nourrit principalement de fourmis et de termites à l’aide de sa grande langue.

L’habitat de primates grignoté par la production d’huile de palme ou de crevettes

L’orang-outan, une espèce également menacée, nous est plus familier, même si son habitat l’est moins. Les tourbières du Kalimantan, la partie indonésienne de l’île de Bornéo, représentent toutefois 4,8 millions d’hectares, soit 1,5 fois la taille de la Belgique. Elles abritent une forte concentration d’espèces menacées, comme la panthère nébuleuse. Mais ces tourbières – des zones humides importantes pour le stockage de l’eau et du carbone au niveau mondial – ont été converties à une vitesse alarmante, tout comme celles de l’île de Sumatra, dernier bastion pour son tigre et son rhinocéros endémiques. Ces tourbières sont notamment détruites pour fournir de l’huile de palme à l’Europe.

Au bord des côtes du Kalimantan, les mangroves sont elles aussi sujettes à la conversion, cette fois au profit de la production de crevettes. L’Indonésie est responsable d’environ 8% de la production mondiale de crevettes et l’Europe est la destination de 6 % des exportations totales du pays. Ces mangroves constituent pourtant un habitat majeur pour beaucoup d’espèces comme les nasiques. Elles sont aussi très précieuses pour la protection des côtes et servent de refuges qui permettent la reproduction des poissons. Elles constituent par ailleurs un réservoir de carbone extrêmement important.

Ce qui est mauvais pour les espèces l’est aussi pour le climat

Si l’effondrement de ces habitats est dramatique pour de nombreuses espèces menacées, il l’est tout autant pour le climat. La moitié des prairies et des savanes du monde a déjà été perdue. 15 % des réserves mondiales de tourbières sont détruites ou dégradées et 35 % des mangroves ont disparu en seulement 20 ans. Or le rapport du WWF souligne par exemple que les prairies et les savanes ont un rôle très important dans la lutte contre le changement climatique, puisqu’elles stockent approximativement la même quantité de carbone que les écosystèmes forestiers, soit 30 % du carbone terrestre.

Les écosystèmes naturels non forestiers ne peuvent pas être mis de côté

L’UE joue un rôle clair dans la conversion de ces écosystèmes naturels en important des produits issus de zones ayant fait l’objet – ou étant menacées – d’une conversion importante. Dans certains cas, une grande proportion de nos importations provient de ces territoires. C’est le cas par exemple pour le bœuf et le soja importés du Cerrado brésilien, de la Pampa ou du Gran Chaco argentins. Le 17 novembre dernier, la Commission européenne a dévoilé sa proposition de loi visant à minimiser l’impact de notre consommation sur la biodiversité mondiale. Elle s’attaque à la déforestation, mais retarde la potentielle protection d’autres écosystèmes. « Si l’UE exclut les écosystèmes naturels non forestiers de son règlement, la conversion causée par la consommation de l’UE se poursuivra dans ces écosystèmes. Pire, cela présenterait un risque important de voir la conversion s’accélérer par un phénomène de déplacement de la production des forêts vers les écosystèmes non forestiers », ajoute Béatrice Wedeux, chargée de plaidoyer et experte des forêts au WWF-Belgique.

 

Dans le rapport « Savanes, prairies, mangroves : les grands sacrifiés de l’UE », le WWF a mis en évidence, dans 9 biomes différents, les liens entre les chaînes d’approvisionnement de l’UE et la conversion, ainsi que les conséquences de cette conversion (cliquez sur l’image pour la voir en haute résolution) :

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