Mission du WWF dans le bassin du Congo : les chercheurs ont testé une méthode inédite pour compter les bonobos

Mission du WWF dans le bassin du Congo : les chercheurs ont testé une méthode inédite pour compter les bonobos

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© Niklas Weber/BINCO

25 janvier 2022 – Un groupe de sept biologistes, mené par un Belge, a testé une méthode révolutionnaire de comptage de la population de bonobos dans une zone largement sous-exposée du bassin du Congo, à la demande du WWF. Malheureusement, le groupe a également ramené de nombreuses preuves que ces zones, pourtant difficiles d'accès, sont menacées par la déforestation et le braconnage. L’équipe de chercheurs a toutefois pu recenser de nombreuses espèces animales et a potentiellement découvert deux espèces d’araignées.

Le bassin du Congo est un immense écrin vert au cœur du continent africain. Le WWF-Belgique y est actif depuis des années pour protéger les derniers bonobos sauvages qui y vivent. Mais cette région cache bien d'autres richesses, qui n'avaient jusqu’ici jamais été étudiées. A la demande du WWF, sept scientifiques de l’organisation BINCO (« Biodiversity Inventory for Conservation ») ont étudié durant un mois la biodiversité sur place.

L’étude a eu lieu dans l'ouest de la province de Mai-Ndombe, dans des zones de forêt tropicale humide et de savane. Au total, les scientifiques ont recensé 158 espèces d'oiseaux, 40 espèces d'amphibiens et de reptiles, 27 espèces de mammifères, ainsi que plusieurs espèces d'invertébrés. Ces résultats incluent potentiellement plusieurs nouvelles espèces animales, dont deux espèces d’araignées. Des études approfondies des résultats devraient le confirmer prochainement.

Une nouvelle façon d'étudier les bonobos depuis les airs

Le bonobo est une espèce endémique du bassin du Congo et on ne peut l’observer que dans les forêts de la rive gauche du fleuve Congo : il ne vit nulle part ailleurs à l'état sauvage. Depuis des années, le WWF-Belgique participe à la conservation de cette espèce de singe, avec le soutien de la Coopération au développement belge et en étroite collaboration avec le bureau du WWF au Congo. Jusqu'à présent, pour évaluer l'état des populations, nous étions contraints d'utiliser la méthode dite du « transect ». Elle consiste à compter, sur une partie définie du territoire, le nombre de nids de bonobos – puisque ces singes construisent des nids dans les arbres à l’aide de branchages et de feuilles, puis à extrapoler les chiffres pour la totalité de la forêt, en tenant compte de nombreux facteurs. Cette méthode prend du temps et est particulièrement délicate en raison du terrain difficile à atteindre.

Au cours de cette mission, les scientifiques ont testé une méthode innovante : la recherche avec des caméras thermiques par drone. Pour la première fois, cela a permis de localiser par voie aérienne des bonobos endormis dans leur nid. « Nous avons réussi à démontrer que la technologie fonctionne ; il faudra maintenant prolonger ce test pour obtenir le résultat complet », a déclaré Merlijn Jocque, chercheur principal de la mission BINCO et biologiste à l'Institut royal des Sciences naturelles de Belgique. « C'est une technique très prometteuse qui pourrait nous aider à obtenir une image plus précise de l'état de la population de bonobos ».

Une pression croissante sur la faune et la flore, même dans les zones les plus inaccessibles

Malgré l'éloignement de la zone étudiée, les scientifiques ont découvert des signes montrant que ces zones sont malgré tout menacées. Par exemple, les biologistes ont vu des marques sur les arbres qui indiquaient des plans de défrichement de la forêt. Comme ailleurs sur la planète, le développement économique exerce une pression croissante sur les ressources biologiques. Les membres de l'équipe congolaise ont mentionné une augmentation de la chasse pour alimenter les marchés de viande de brousse à Kinshasa, où les chasseurs se tournent par ailleurs vers la pêche car le gibier devient plus difficile à trouver.

Le WWF met en garde depuis longtemps contre le syndrome de la « forêt vide » dans le bassin du Congo et ailleurs, ce qui définit une forêt où les grands mammifères ont disparu. Les conséquences sur la qualité de l'écosystème peuvent être importantes : des recherches récentes publiées dans la revue Science[i] ont révélé que les arbres perdent leur capacité de dispersion lorsque les populations animales disparaissent. Dans la région de Malebo, où s'est déroulée la mission, la chasse est en partie réglementée, à travers les concessions de forêts communautaires créées pour protéger les bonobos, favoriser l'écotourisme et éviter l'exploitation forestière industrielle.

Cette approche doit maintenant être étendue à de nouvelles zones forestières de Mai-Ndombe. Un programme de création et de gestion de concessions de forêts communautaires dans cette province a été lancé avec un financement de la Coopération belge au développement et le WWF-Belgique, avec une mise en œuvre par le WWF-RDC. Ces concessions s’étendent sur un territoire assez important (parfois dix fois l’étendue de la Forêt de Soignes) et doivent permettre aux villages de bénéficier des services de la forêt de manière durable et variée, en évitant l'exploitation forestière industrielle et en protégeant la forêt des abattages pour l'agriculture. Elles constituent également un cadre de gestion durable de la faune. Si nous ne voulons pas que la région subisse le même sort que tant d'autres paysages naturels dans le monde, nous devons agir avant qu'il ne soit trop tard.

« Pour cette expédition, BINCO a mobilisé une expertise de haut niveau sur beaucoup de taxons (invertébrés, avifaune, herpétofaune, reptiles, grands mammifères etc.) ce qui a permis d’arriver à ces résultats de grande valeur scientifique. Notre souhait est de pérenniser ce type de collaboration avec l’implantation d’une sous-station de recherche à Malebo, mais aussi de continuer ce genre d’expédition dans d’autres paysages ou aires protégées appuyées par le WWF en RDC », a déclaré Ménard Mbende, coordinateur des aires protégées et du bio-monitoring au WWF-RDC.

Lien vers le rapport préliminaire :

L'expédition Malebo, Mai-Ndombe, RDC, octobre 2021

Images d’illustration libres d’utilisation (avec mention) :


Plus d’informations :

Déborah Van Thournout, +32 474 58 71 52, [email protected]



[i] https://www.sciencedaily.com/releases/2022/01/220113151354.htm