Climat : un test de crédibilité pour le gouvernement

Climat : un test de crédibilité pour le gouvernement

« Dear friends, we know what is happening to our planet. We know what we need to do. And we even know how to do it. But sadly, the ambition of our action is nowhere near where it needs to be.  » 
Antonio Guterres, secrétaire général des Nations Unies

Le 10 septembre dernier, Antonio Guterres, secrétaire général des Nations Unies, s’adressait au monde entier. Il prononçait ce discours au lendemain de la fin des négociations intermédiaires sur le climat à Bangkok. Négociations où il est apparu une fois de plus que l’absence de leadership mondial empêche la prise de mesures sérieuses et adéquates contre le réchauffement climatique. Cette session supplémentaire visait à faciliter le chemin vers la COP 24, qui aura lieu en Pologne à la fin de cette année. Des décisions fondamentales y sont à l’agenda. Celles-ci pourraient permettre la mise œuvre de l’Accord de Paris tout comme lui faire perdre toute substance. Le chef des Nations Unies pointe le problème du doigt : nous savons depuis des années ce que nous devons faire, mais nous ne le faisons pas. La sonnette d’alarme est tirée. C’est dans un tel contexte que volonté et leadership politiques sont cruciaux.

Le Premier ministre Charles Michel – qui sera présent la semaine prochaine à New York pour l’Assemblée générale des Nations Unies - a une occasion unique de répondre à cet appel. Le ministre belge des Affaires étrangères, Didier Reynders, a annoncé que le changement climatique serait une priorité à l’ordre du jour du Conseil de sécurité de l’ONU. La Coalition Climat se félicite de cette annonce, mais souligne que les déclarations sur la scène internationale doivent s’accompagner d’actions concrètes à tous les niveaux. La Belgique doit également mettre le climat à l’ordre du jour de sa politique intérieure et jouer un rôle actif dans la politique climatique européenne. Une opportunité à saisir se présente lundi 24 septembre, à l’occasion du 

Dans le passé, l’Union européenne jouait un rôle fondamental, aussi bien en tant que leader qu’en tant que facilitateur lors des négociations climatiques. Ce rôle n’a cessé de s’amoindrir jusqu’à quasiment disparaître au cours des dernières années. C’est dans un sens logique : comment l’UE pourrait-elle montrer une forme de leadership alors qu’elle manque elle-même d’ambitions ? En effet, l’Europe n’a pas ajusté ses objectifs climatiques à la suite de la conclusion de l’Accord de Paris et n’a rehaussé ses ambitions que de manière infime. Or, on sait déjà que les objectifs fixés pour 2030 sont bien en deçà de ce qui est nécessaire pour apporter une contribution équitable à la lutte mondiale contre le changement climatique.

Cependant, les signes sont de plus en plus clairs. Cet été, alors que dans divers endroits du monde des pluies diluviennes, des typhons et des inondations ont fait des ravages, la population belge était frappée par des records de chaleur et de sécheresse. Les conditions climatiques extrêmes qui touchent depuis des années certaines parties du monde, souvent les plus pauvres, se manifestent maintenant aussi chez nous. Ces dernières ont déjà coûté à l’Union européenne près de 14 milliards d’euros en 2017. A 2°C, les coûts peuvent atteindre 120 milliards d’euros, soit 1,2% du PNB. Cela confirme ce que les scientifiques répètent depuis plusieurs années : plus on retarde l’adoption de mesures décisives en matière de climat, plus la facture sera élevée à long terme. Les rendements agricoles, les ressources en eau, les infrastructures et les communautés sont déjà menacés. Dans le monde entier, la faim a de nouveau augmenté au cours des trois dernières années. Le changement climatique en est l’une des principales causes.

Huit pays européens, dont tous nos voisins, se sont déjà prononcés en faveur d’une révision à la hausse des objectifs climatiques européens pour 2030. La Belgique n’en fait pas partie. Mais ce lundi 24 septembre, notre pays co-organise avec le Luxembourg et les Pays-Bas un « Talanoa Dialogue Benelux ». Ce dialogue rassemble décideurs politiques, société civile, entreprises et académiques, et place l’ambition climatique au cœur des débats. C’est une étape essentielle au vu du dialogue international qui suivra en Pologne. Si le gouvernement veut restaurer la crédibilité de la Belgique sur l’enjeu climatique, il est grand temps d’envoyer un message clair à l’Europe et au monde en plaidant en faveur d’une ambition climatique renforcée. Pour respecter l’Accord de Paris et empêcher que notre planète ne devienne une véritable étuve, l’Europe doit réduire ses émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55% en 2030, par rapport à 1990, et atteindre une société décarbonée d’ici la moitié du siècle. Mentionner explicitement et intégrer le seuil crucial de 1,5°C comme une ligne directrice commune permettrait à la Belgique d’adopter une attitude constructive à l’égard des pays les plus vulnérables. Elle prendrait ainsi le rôle de facilitateur, rôle clé pour le bon déroulement des négociations climatiques en Pologne. Par ailleurs, la Belgique se doit également d’appliquer ce principe directeur dans sa propre politique. Le fait que les émissions belges augmentent à nouveau ces dernières années n’est pas acceptable.

Comme l’a dit Antonio Guterres, en écho à de nombreux experts, l’urgence climatique est le plus grand défi de notre époque. Nous avons les outils et le savoir, mais nous manquons de volonté politique. Il est maintenant temps que nos dirigeants remettent la Belgique sur les rails en matière de lutte contre le réchauffement climatique : cela passe par une voix ambitieuse sur la scène internationale et par la mise en place de politiques cohérentes au niveau national.

SIGNATAIRES

Arnaud Zacharie, Secrétaire général du CNCD-11.11.11
Bogdan Vanden Berghe, Directeur, 11.11.11
Dave Van Meel, Directeur de programme, Greenpeace Belgique
Mathias Bienstman, Coordinateur politique, Bond Beter Leefmilieu 
Antoine Lebrun, CEO WWF-Belgique
Lieve Herijgers, Directrice, Broerlijk Delen
Karel Malfliet, Membre du personnel, Ecokerk - Réseau Justice et Paix
Céline Tellier, Secrétaire générale adjointe, Inter-Environnement Wallonie
Katrien Van Hooydonk, Programmacoordinator, tijdelijk directeur ad interim, Protos
François de Borman, Vice-président, Grands-Parents pour le Climat
Chloé Deligne, Co-présidente, Inter-Environnement Bruxelles
Marie-Hélène Ska, Secrétaire générale, ACV-CSC
Antoinette Brouyaux, Coordinatrice, Associations 21
Joëlle van den Berg, Secrétaire générale, Réseau Idée
Michel Vanhoorne, Coordinateur, Forum Gauche Ecologie 
Charlotte Scheerens, Algemeen co-coördinator, Climate Express
Eva Smets, Directrice Général, Oxfam Solidarité/Solidariteit
Pierre Santacatterina, Directeur Général, Oxfam Magasins-du-monde
Luc Van Haute, Directeur Général, Oxfam Wereldwinkels
Carine Baiwir, Marijke Decuypere, Equipe nationale, ATD Quart Monde - ATD Vierde Wereld
Pauline Lefèbvre, Animatrice, Fédération Luttes-Solidarités-Travail
Robert Vertenueil / Miranda Ulens, Président/ Secrétaire générale, FGTB-ABVV