Tétras lyres : chronique d’une mission de la dernière chance !

Tétras lyres : chronique d’une mission de la dernière chance !

Fin avril, le WWF a participé à une mission afin de capturer des Tétras lyres dans le centre de la Suède, où ils sont encore abondants. Ces oiseaux ont été ensuite relâchés dans les Hautes Fagnes, en Belgique, où la population est en danger critique d’extinction. Le WWF-Belgique apporte son expertise en matière de conservation de la nature au sein du projet et finance l’ensemble de la mission scandinave visant à sauvegarder l’espèce en Belgique grâce au soutien de la Loterie Nationale.

 

Corentin Rousseau, spécialiste en conservation de la nature au WWF-Belgique, était membre de cette expédition originale. Il nous explique comment se déroule une mission de ce type.

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La mission a débuté avec le départ d’une de nos équipes trois jours plus tôt pour repérer des zones de parades, appelées arènes. Le matériel pour attraper les oiseaux est placé dans ces zones. D’où la nécessité de trouver plusieurs arènes dès le début de la mission. Les arènes sont souvent des zones ouvertes et planes dans la forêt telles que des lacs gelés ou des marais. Elles sont utilisées par les Tétras principalement à l’aube de 3h30 du matin à 7h. Il faut donc être aussi matinal qu’un Tétras.

Une météo capricieuse

Premier constat de la première équipe arrivée : la neige est encore très présente et les parades viennent seulement de débuter. Cette météo capricieuse va compliquer le travail sur place. Toutefois, deux arènes seront trouvées après trois jours de recherche.

Une fois la deuxième équipe sur place, les premiers pièges sont placés rapidement. Les pièges sont des matoles, formées d’une ossature en aluminium qui est recouverte d’un fin treillis. Quelques graines sont placées dans la matole pour que le Tétras pense à manger plutôt qu’à en sortir.

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Jeu stratégique entre mâles et femelles

Les coqs Tétras défendent régulièrement le même petit territoire sur l’arène, il faut donc observer scrupuleusement la position de chacun d’entre eux et, ensuite dans la journée, aller placer les matoles sur ces positions. Par contre, les femelles ont une autre stratégie. Elles observent les mâles en se déplaçant sur l’arène de manière plus ou moins aléatoire. Nous utilisons alors un petit treillis qu’elles longent pour les guider vers les matoles. Entre les membres de l’équipe, les discussions sont nombreuses pour trouver les meilleurs emplacements des treillis et matoles. Le travail dans les marais n’est pas toujours aisé, l’eau glacée rentre régulièrement dans nos bottes…

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Une fois les matoles placées, le travail débute dès le lendemain en pleine nuit. Il fallait se lever à 1h30 du matin pour que tout soit prêt pour 3h, avant l’arrivée des Tétras sur les arènes. De notre camp de base, il faut souvent plus de 30 minutes de trajet jusqu’aux arènes. Une fois sur place, il faut activer les pièges avec précision, ce qui prend souvent plus de 45 minutes. Commence alors dans nos affûts, l’attente et puis l’observation des Tétras sur l’arène. Les mâles arrivent les premiers, ils roucoulent, crient, font des bonds. Ils défendent un bout de territoire dans l’arène et chaque mâle y pénétrant est très rapidement chassé à coups de bec et de pattes. Les femelles arrivent souvent une heure plus tard et sont rapidement courtisées par les mâles.

Certaines arènes et certaines matinées sont plus fructueuses que d’autres…. A la fin du séjour, nous avons attrapé un total de 20 mâles et de huit femelles. Mais nous avions reçu un quota de dix mâles. Nous avons dû en relâcher la moitié et avons décidé de garder les huit femelles.

Une fois les oiseaux capturés, nous leur avons placé deux bagues numérotées autour des pattes pour les identifier individuellement et un émetteur GPS sur le dos, pour pouvoir étudier leurs déplacements une fois relâchés. Ensuite, ils étaient contrôlés par un vétérinaire assermenté du district avant d’être transportés vers les Hautes Fagnes. Une équipe partait donc chaque matin vers la Belgique.

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Arrivés au sommet de notre pays, ils ont été relâchés dans leur habitat de prédilection où ils ont trouvé un milieu assez similaire à leur habitat suédois avec les mêmes espèces de plantes nourricières : myrtille, airelle, linaigrette, saule, etc. mais aussi avec les mêmes prédateurs : renard, autour des palombes, etc.

Nous espérons qu’ils vont rapidement adopter ce nouvel habitat que sont les Hautes Fagnes, et peut-être dans quelques semaines, les premiers poussins Tétras écloront… Globalement, les résultats de cette mission peuvent être considérés comme très positifs. Les partenaires du projet ont confirmé le renouvellement de leur soutien, permettant la réalisation d’une troisième opération de renforcement l’année prochaine.

 corentin