Le WWF déplore la procrastination de la ministre Marghem

Le WWF déplore la procrastination de la ministre Marghem

La ministre fédérale Marghem fait preuve de procrastination selon ce qu’affirme le WWF dans une lettre ouverte à la ministre, publiée aujourd'hui dans La Libre Belgique et De Morgen. Un constat interpellant au moment même où la ministre présente sa déclaration de politique au Parlement.

 

Madame la Ministre,

Vous présentez aujourd'hui votre déclaration de politique au Parlement fédéral. Le WWF est particulièrement impatient de vous entendre sur ce sujet. De par notre présence sur le terrain dans plus de 100 pays à travers le monde, nous ne pouvons que déplorer que la nature, dont nous sommes tous dépendants, se détériore de façon dramatique et souvent irréversible. Parmi les causes importantes de cette détérioration, trois facteurs sont dans votre champ de compétences. Et la Belgique a un rôle important à jouer dans ces domaines : la transition vers une société bas carbone et un monde résilient au changement climatique, la lutte contre la déforestation et enfin, la protection des espèces iconiques de notre planète et de leurs habitats.

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Après six ans de négociations sur la répartition de la charge entre les entités fédérées, il est aujourd’hui clair que nous n’atteindrons pas les objectifs climatiques à l’horizon 2020 sans mesures supplémentaires. Du nouveau Plan National Climat et Énergie, promis pour la fin de l’année, rien n’est encore écrit, ceci alors qu’en Europe, nous sommes déjà en train de nous diriger vers un affaissement des ambitions et une révision à la baisse des objectifs. Or le vrai défi doit encore être relevé : construire une société à faibles émissions de carbone à l’horizon 2050 est le véritable enjeu si la Belgique veut vraiment respecter son engagement pour limiter l'augmentation de la température sur Terre à 1,5 °C. Car pendant ce temps, les effets du changement climatique ne se font pas attendre : la puissance destructrice d'Irma et Ophélie est encore fraiche dans nos mémoires, le nombre et l'ampleur des ouragans ne font que croître, les inondations, les vagues de chaleur et les drames humains qui en découlent s’intensifient année après année. En Belgique aussi, nous constatons que les températures franchissent des records, et que la biodiversité est sous pression : les espèces nuisibles comme les tiques et les chenilles processionnaires sont en hausse, les changements de régimes climatiques menacent notre agriculture, de fortes tempêtes et inondations ravagent nos agglomérations, etc. Selon le WWF, c’est maintenant que nous devons préparer notre pays en investissant dans une société affranchie des énergies fossiles d’ici à 2050. Cela implique un choix clair et irréversible en faveur des énergies renouvelables, et de laisser davantage d’espace à la nature afin d’atténuer les effets du changement climatique. Attendre jusque 2020 pour agir revient à exposer la Belgique à des risques déraisonnables.

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Notre pays figure également parmi les cancres d’Europe en matière de commerce illégal de bois.. Avec moins de cinq contrôles par an effectués depuis l’entrée en vigueur de la loi il y a quatre ans… et aucune sanction prononcée, la Belgique fait pâle figure par rapport à ses voisins. En 2016, même vos alliés politiques tiraient la sonnette d’alarme et approuvaient à l’unanimité une résolution à la Chambre demandant davantage de contrôles et de sanctions efficaces en cas d’infraction. Il n'est donc pas surprenant que l'Europe ait lancé une procédure d'infraction contre l'État belge sur ce sujet. Sans contrôle efficace, toute personne qui achète du mobilier ou tout autre produit fait à base de bois risque sans le savoir de contribuer au commerce illégal du bois et à la déforestation. Tant que le commerce de bois illégal reste impuni, ce sont non seulement des milliards d'euros qui continuent à alimenter des circuits criminels mais aussi les forêts qui continuent à disparaître. Or, ces forêts jouent un rôle essentiel contre le réchauffement climatique, elles hébergent potentiellement des remèdes qui nous permettront de lutter contre le cancer ou le SIDA, elles hébergent d’innombrables espèces animales et végétales dont une partie importante de l’humanité dépend encore pour sa survie au quotidien. Le WWF demande qu’une politique de contrôle digne de ce nom soit enfin mise en place, que le nombre des contrôles soit augmenté et que le cas échéant, des sanctions soient effectivement prononcées.

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Nous devons hélas poser des constats similaires quant à la lutte de la Belgique contre le trafic illégal des espèces menacées… malgré le fait que notre pays se soit engagé à coopérer sur ce sujet par des traités internationaux. Les actions que la Belgique peut répertorier en la matière sont en effet peu nombreuses. Et la situation n’a fait qu’empirer depuis que le département Environnement de la police fédérale n'a plus de capacités à affecter à cette problématique. Par un défaut de coordination et de soutien central, il est extrêmement difficile pour la Belgique de jouer son rôle dans le démantèlement des réseaux de criminalité organisée qui se nourrissent de ces trafics. Des informations cruciales sur les nouvelles tendances, les modes de transport ou les routes empruntées sont ainsi perdues. En tant que Ministre en charge de la lutte contre la criminalité environnementale, le WWF vous demande d’établir urgemment un plan d’action coordonné, tel que proposé par la Commission européenne, en collaboration avec les ministres de l’Intérieur et de la Justice. Allons-nous vraiment attendre la disparition des 3 890 derniers tigres, des 50 derniers rhinocéros de Java et des 30 derniers vaquitas pour agir ? Et cet enjeu est aussi celui de la lutte contre la criminalité organisée à l’échelle mondiale qui engrange plus de 20 milliards d'euros par an grâce au trafic des espèces menacées… Un trafic qui alimente, in fine, des réseaux répandant un cocktail destructeur de corruption et de violence dans de nombreux pays à travers le monde.

Il nous apparaît clairement que la politique menée jusqu'ici par le Gouvernement consiste à reporter sans fin les mesures qu’il faudrait prendre pour traiter ces problèmes de façon sérieuse. Nous vous invitons, Madame la Ministre, à engager le Gouvernement à prendre des décisions courageuses au cours de l’année qui vient et à ne pas les reporter à la prochaine législature. Nous vous demandons, en tant que ministre en charge de cette matière, de veiller à la restauration et à la protection des ressources naturelles et de la biodiversité, et d'agir contre les abus afin que la nature puisse continuer à nous offrir, parmi tant d’autres choses, de l’air pur, de l’eau, de la nourriture, des médicaments et enfin, une source d’inspiration et de bien-être.

Antoine Lebrun